Les résultats présentés devant l’ensemble des acteurs du monde agricole traduisent la part importante des exploitations ayant recours à l’externalisation de travaux, notamment celles dites « grandes », c’est-à-dire ayant plus de 250 000 € de PBS (production brute standard). 77 % des grandes exploitations font appel à des prestations de service via des ETA (entreprises de travaux agricoles), ou un autre prestataire.

Les grandes exploitations diversifient leur revenu

Afin de se garantir un revenu supplémentaire, 12 % des exploitations à « haut volume économique » proposent du travail à façon agricole. Que ce soit pour des voisins, ou d’autres entreprises, ces agriculteurs proposent leurs services, sans passer par un statut d’ETA. Plus le potentiel économique est important, plus l’offre de prestation est importante. (graphique 3)

Le salariat permanent non familial se développe

Au total, 758 300 personnes travaillent de façon régulière dans les exploitations. Les formes sociétaires d’exploitations (GAEC, EARL) concentrent 68 % des 660 000 ETP (équivalents temps plein), soit 12 fois plus qu’il y a dix ans. Le nombre de chefs, coexploitants et permanents familiaux a été réduit de 27,5 %, malgré le fait que les schémas familiaux assurent toujours la majeure partie du travail agricole. « On assiste à une fragmentation des statuts, à de nouvelles combinaisons entre eux, les agriculteurs deviennent des entrepreneurs comme les autres », constate François Purseigle, professeur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et à l’Inp-Ensat (École nationale supérieure agronomique de Toulouse), co-auteur du livre « Une agriculture sans agriculteurs ».

Une population agricole vieillissante

Le nombre d’exploitants agricoles diminue dans toutes les tranches d’âge, sauf celle entre 60 et 75 ans, qui augmente de 25 % en 2020, contre une hausse de 20 % en 2010. « C’est un véritable marqueur du vieillissement de la population agricole », déclare François Chevalier, du service de la statistique et de la prospective du Ministère. Au moins une exploitation sur deux recensées en 2020 est dirigée par un exploitant âgé de 55 ans ou plus, en France métropolitaine. En grandes cultures, 54 % des exploitations sont dirigées par un exploitant de 55 ans ou plus. Ceux-ci ont une vision plus nette de leur avenir. Les chefs des grandes exploitations savent pour 40 % d’entre eux qu’elles seront reprises par un membre de leur famille, contre seulement 20 % pour l’ensemble des exploitations.

Une nouvelle génération d’exploitants plus formés

74 % des chefs d’exploitations installés après 2010 ont un niveau de formation équivalent au baccalauréat, contre 48 % pour ceux installés en 2010 ou avant, révèlent les chiffres du recensement 2020. « Le nouveau public rentre avec un bagage de formation, avec un rapport à l’entreprise qui a évolué. Certains ont déjà connu le salariat, ils se projettent différemment », indique François Purseigle.

Les exploitants nouvellement installés sont plus jeunes, avec une part plus importante de femmes, à hauteur de 32 % installées après 2010, contre 18 % installées en 2010 ou avant.

Une agriculture sans agriculteurs

Le livre « Une agriculture sans agriculteurs », co-écrit par les sociologues François Purseigle et Bertrand Hervieu, paru le 20 octobre 2022, s’interroge sur la fin des exploitations à modèle familial. « Ce livre a été fait pour appréhender la banalisation de l’entreprise agricole. Le projet peut être porté par d’autres figures que le chef d’exploitation », a déclaré François Purseigle lors de la présentation des résultats du recensement 2020. Le modèle de la ferme familiale de type conjugal est déconstruit, pour laisser place à un modèle faisant davantage appel au salariat, où le chef d’une exploitation ne serait pas le seul à produire. Trois stratégies d’évolution sont énoncées : la stratégie d’intégration, où l’exploitant embauche lui-même ses salariés, celle d’association, où des projets sont développés avec des agriculteurs voisins et, enfin, la stratégie de délégation aux ETA.

Édition : SciencesPo Les Presses

Prix : 16 €