C’est un chiffre faramineux lâché le 20 octobre dernier au détour d’une visite de presse par Alain Bouilly, le directeur de la sucrerie-distillerie d’Arcis-sur-Aube : 150 millions d’euros ! Ce serait le montant de l’investissement nécessaire pour équiper l’établissement d’une chaudière destinée à la rendre autonome sur le plan énergétique grâce au brûlage des pulpes de betteraves. Alain Bouilly estime que 55 % des pulpes produites sur le site suffiraient pour chauffer l’usine. « Mais on n’en est encore qu’au stade de l’avant-projet », s’empresse de préciser le directeur, ce chiffre donné à la louche n’ayant pas été à ce jour validé par le conseil d’administration de Cristal Union. Cette hypothèse de travail, présentée comme une alternative possible à la méthanisation, confirme toutefois la volonté de la coopérative de s’affranchir le plus possible des énergies fossiles et de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Encore de la marge

La sucrerie-distillerie d’Arcis a déjà réduit de 10 % ses consommations d’énergie en 2021, et même de 23 % depuis 2010. « On a encore une marge de 15 % », indique le directeur d’établissement. Le fait de réceptionner des betteraves à une température de 23°C grâce à la douceur de la météo facilite leur montée en température jusqu’à 72°C pour extraire le sucre, et contribue à atteindre l’objectif affiché. Au-delà de cette conjoncture favorable, le site aubois de Cristal Union a investi ces deux dernières années 14 millions d’euros dans cinq grands projets, dont deux destinés à faire des économies d’énergie : une nouvelle chaudière à haut rendement et un condenseur des buées de carbonatation.

Arcis n’est pas le seul site du 4e sucrier européen concerné par cette problématique. Fontaine-le-Dun (Seine-Maritime) et Corbeilles-en-Gâtinais (Loiret) vont s’équiper de méthaniseurs pour valoriser les pulpes de betteraves. Une chaudière biomasse a été installée à Bazancourt (Marne), de même qu’une nouvelle ligne de séchage biomasse chez Sidésup (voir BF n°1154). Une nouvelle unité de séchage indirect de pulpes – qui utilisera la vapeur produite par la chaudière de l’usine – sera opérationnelle l’an prochain à Sainte-Émilie (Somme). Pour faire face à la crise actuelle, le groupe a par ailleurs arrêté l’activité de ses déshydratations fonctionnant au gaz pour ne laisser en service que celles utilisant de la biomasse.

Économies d’eau

Outre l’énergie, l’usine arcisienne se veut aussi économe en eau. « On récupère toute l’eau contenue dans les betteraves et on prélève zéro mètre cube d’eau pour la fabrication du sucre », se plaît à souligner Alain Bouilly. Côté distillerie, l’objectif est de ne plus consommer d’eau du tout d’ici quatre ans. L’usine arcisienne va aussi construire un méthaniseur afin de récupérer le gaz et de supprimer les odeurs des 500 000 m3 d’eaux usées stockées dans les bassins servant à irriguer les champs de pommes de terre aux alentours. Cette « station d’épuration » entrera en service en 2024. La sucrerie de Bazancourt doit elle aussi être équipée d’un méthaniseur permettant de récupérer l’eau de lavage des betteraves.

La coopérative d’Arcis en chiffres
  • 1 500 adhérents
  • 180 salariés
  • 100 saisonniers
  • 30 000 ha de betteraves (Aube, Marne, Haute-Marne, Seine-et-Marne)
  • 27 km en moyenne entre les champs et l’usine (rayon maximal de 80 km)
  • 118 jours de campagne en 2021
  • 24 000 t/j de betteraves traitées
  • 220 000 t de sucre
  • 1,8 Mhl d’alcool
  • 450 000 t de pulpes