« Le terme NBT n’est pas le bon terme car il regroupe un ensemble de technologies de sélection génétique », explique Georges Freyssinet, président de l’Association Française de Biotechnologies Végétales. Celles qui sont en discussion à Bruxelles actuellement, c’est l’édition génomique (appelé aussi mutagenèse ciblée) et la cis-génèse. Ce sont des technologies qui permettent de modifier un gène grâce à l’action du ciseau moléculaire (Crispr-Cas9). Mais attention, à la différence de la transgénèse (que l’on appelle couramment OGM), il n’y a pas d’introduction d’un gène extérieur à l’espèce. L’édition génomique se limite à l’addition, à la suppression ou à l’échange d’un ou de plusieurs nucléotides. Dans certains cas, on peut l’utiliser pour introduire de manière ciblée un gène extérieur mais de la même espèce (on parle de cis-genèse). Par exemple, on peut introduire dans une variété de blé A, un gène de résistance à la septoriose présent dans une variété de blé B. Il ne s’agit bien ici que de mimer des évènements qui peuvent se faire naturellement en plein champ.

L’intérêt de la technique

Par rapport à la sélection génétique classique actuellement utilisée, les techniques de la mutagenèse ciblée et de la cis-genèse apportent de nombreux avantages. Tout d’abord, elles permettent à la recherche variétale d’aller beaucoup plus vite. En effet, les sélectionneurs peuvent modifier, en une seule fois et de manière choisie, un grand nombre de gènes. Cela entraîne des économies financières et de temps puisque le processus est simplifié. Enfin, l’édition génomique entraîne une plus grande précision et une plus grande efficacité puisqu’on peut changer un gène dans une plante sans y apporter des gènes indésirables. Par exemple, on pourrait susciter un gène de résistance à la jaunisse dans une variété de betteraves très productives sans perdre en productivité.

Selon Sébastien Paque, responsable du pôle amélioration des plantes à l’UFS, « ces techniques devraient être particulièrement utilisées pour développer rapidement des résistances aux maladies. La résistance à la sécheresse ou l’augmentation des rendements sont aussi des axes de recherche menés par les sélectionneurs ». Ces techniques ne garantissent pas une efficacité partout, Georges Freyssinet précise que « pour ce qui est de la résistance aux insectes, la meilleure technique reste actuellement la transgénèse avec l’introduction de gènes de la bactérie Bacillus thuringiensis ».

Halte aux idées reçues

Tout comme les OGM, la mutagenèse ciblée ne donne absolument pas de semence stérile. Si l’agriculteur doit racheter sa semence pour certaines espèces comme le maïs, cela ne vient pas de la technologie utilisée mais du caractère hybride de la variété choisie. En effet, une variété hybride est une variété pour qui, lors du resemis de la récolte qui n’est absolument pas stérile, la descendance est trop hétérogène pour être cultivée à grande échelle.

Devra-t-on racheter les semences tous les ans ou payer nos semences plus chères ? A priori, selon Sébastien Paque, « l’apparition de ces nouvelles technologies ne changera rien sur le plan de la commercialisation des semences. Il sera toujours préférable de racheter chaque année les espèces hybrides (maïs et betteraves par exemple) et les agriculteurs pourront toujours multiplier leurs lignées, en blé ou en orge par exemple. Les nouvelles techniques de sélection n’auront pas d’impact sur le coût des semences ».

Concernant les peurs liées au risque de diffusion du gène, Sébastien Paque précise : « les plantes éditées auront le même type d’amélioration qu’une variété non éditée, donc il n’y a pas plus de risque. Oui, l’amélioration peut se diffuser, mais de la même façon que toutes les autres plantes ».

Où en est-on au niveau réglementaire ?

En avril 2021, la Commission européenne a proposé de lancer une action politique sur la mutagenèse ciblée et la cis-genèse chez les plantes. Selon George Freyssinet, elle a produit un certain nombre d’enquêtes, dont la dernière a été conclue au mois de juillet dernier. La prochaine étape sera la publication de l’étude d’impact qui aura lieu au 2ème trimestre 2023. Dans le cadre de cette échéance, la Commission fera éventuellement une proposition d’adaptation de la réglementation.

George Freyssinet et Sébastien Paque espèrent que la réglementation évoluera avant les prochaines élections européennes. À défaut, il faudrait recommencer presque à zéro le travail d’information auprès des parlementaires. Il faut donc que tout soit réglé au plus tard avant le 2ème trimestre 2024. « Le rythme législatif dépendra en grande partie de la volonté des pays qui occuperont la présidence de l’Union européenne », explique le responsable du pôle amélioration des plantes de l’UFS. « Attention, il ne suffit pas que la réglementation évolue. Il faut aussi que le cadre qu’elle déterminera permette le développement de ces technologies. Si ce cadre est trop complexe, restrictif et coûteux, les semenciers ne se lanceront pas dans l’aventure. Il faut créer un cadre pragmatique », précise-t-il. « Par ailleurs, il faut noter que, sur ce sujet, l’Europe est bien en retard sur les autres grandes nations agricoles du monde, comme l’Amérique du Nord et du Sud, le Japon ou l’Angleterre, qui a profité du Brexit pour avancer plus vite », ajoute-t-il.