Comment jugez-vous les annonces de prix des différents groupes sucriers ? Qu’attendez-vous d’eux en 2023 ?

Après 4 années de prix en berne, la betterave reprend enfin des couleurs. Depuis cet été, la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) demandait aux industriels des annonces de prix et elle a été entendue. Tous les fabricants ont affiché des niveaux de prix au-dessus des 40 €/t pour 2022, ce qui est encourageant pour les planteurs. Et c’était nécessaire, car les betteraviers subissent une forte hausse du prix des engrais et des carburants. Étant donné l’incertitude sur les rendements, globalement décevants ces dernières années, le prix d’achat des betteraves devient plus déterminant que jamais.

Quels conseils donneriez-vous à un planteur pour les semis en 2023 ?

Si le contexte reste tel qu’il est actuellement, avec des marchés porteurs sur fond de guerre en Ukraine et une 3ème année de dérogation aux néonicotinoïdes prévue par le gouvernement, 2023 est donc l’année où il faut semer des betteraves. Profitons-en et travaillons pour que l’avenir soit favorable.

Comment voyez-vous 2024 sans les néonicotinoïdes ?

L’agriculteur devra avoir suffisamment de visibilité d’ici l’été prochain, car c’est avant les semis de colza que les surfaces 2024 vont se jouer. Aurons-nous suffisamment de garanties d’ici-là ? Sans visibilité, beaucoup d’agriculteurs pourraient renoncer à semer des betteraves en 2024. Ce serait le scénario catastrophe, avec des baisses de surface, des fermetures d’usine et notre souveraineté alimentaire qui serait remise en question. Aujourd’hui, les solutions travaillées par le Plan national de recherche et d’nnovation (PNRI) ne permettent pas de donner une garantie aux agriculteurs en cas d’attaques aussi fortes qu’en 2020. Nous réfléchissons donc à d’autres solutions, qui ne sont pas dans le PNRI, par exemple de nouveaux produits chimiques qui pourraient être homologués.

Que demandez-vous au monde politique ?

Plutôt qu’une demande, je préfère leur poser une question. Le ministre de l’époque, Julien Denormandie, avait demandé 5 ans de dérogation. Il n’a obtenu que 3 ans. Si après 3 ans de recherche validée par le gouvernement, le président du conseil de surveillance « néonicotinoïdes » nous dit que cela ne suffit pas, que feront le ministre et les parlementaires ?

Quel est le positionnement de la CGB sur l’engagement dans les coopératives ?

Vu le manque de visibilité, certains planteurs pensent qu’un engagement de 5 ans, c’est trop long. Mais c’est vrai que l’industriel doit aussi pouvoir se projeter pour faire des investissements. Si un agriculteur devait être confronté à une impasse technique, il faudrait qu’il ne soit pas sanctionné s’il ne livre pas tout son contrat. Forcer un agriculteur à faire de la betterave, ce n’est pas une solution. Peut-être faudrait-il introduire une modulation des volumes ou avoir un peu plus de souplesse. J’appelle au dialogue avec les coopératives, car il ne faudrait pas décourager les planteurs par des engagements trop rigides.

La pulpe peut-elle assurer l’autonomie énergétique des sucreries ?

L’utilisation de la pulpe est le seul moyen d’aller chercher de l’énergie au sein de notre filière. Dans l’avenir, elle jouera peut-être le même rôle que la bagasse pour la fabrication du sucre de canne. Mais il faudra veiller aux équilibres historiques autour de la pulpe surpressée et déshydratée. Sécurisons l’approvisionnement en pulpe des betteraviers qui en sont les utilisateurs historiques (élevage et méthanisation), au risque qu’ils se détournent de la betterave. Pour rentrer dans un débat constructif, il faut être transparent sur les prix des pulpes et connaître le détail de leur prix.

Que pensez-vous de la politique européenne en matière de produits phytosanitaires, notamment le règlement « utilisation durable des pesticides » (SUR) ?

Le projet de règlement européen SUR publié par la Commission européenne en juin dernier doit être revu, car il n’est assorti d’aucune étude d’impact sur l’agriculture. C’est un projet funeste et j’espère que la Commission, les États membres et le Parlement vont le revoir. À l’heure où l’on prend conscience de l’importance de la souveraineté alimentaire et énergétique, c’est se tirer une balle dans le pied et affaiblir notre agriculture.

Que changera la nouvelle PAC pour les betteraviers ?

Les principaux changements porteront sur les écorégimes et la conditionnalité des aides. Sur les écorégimes, la CGB a réussi à faire reconnaître les particularités de la betterave par rapport aux céréales de printemps : cette notion fera gagner un point d’écorégime pour 44 % des betteraviers français. En ce qui concerne la conditionnalité, le travail mené avec les associations spécialisées de la FNSEA a permis de limiter plusieurs contraintes supplémentaires.

Qu’apporte concrètement la CGB à ses adhérents ?

Alors que des planteurs s’interrogent sur la place de la betterave dans leur assolement, la CGB met tout en œuvre pour restaurer la confiance et donner la visibilité dont ils ont besoin sur le plan économique et réglementaire. Sur le plan économique, elle défend la contractualisation et les prix de betteraves. La CGB contrôle aussi le bon déroulement des réceptions. Au niveau réglementaire, la CGB défend les moyens de production. En lien avec la FNSEA, elle travaille sur des centaines de dossiers. Et puis, les adhérents de la CGB ont régulièrement accès à des conseils et à des formations sous forme de webinaires, permettant de mieux piloter leurs exploitations. La CGB est constamment aux côtés de ses adhérents pour défendre leurs intérêts et pour les aider, par exemple, à constituer des dossiers d’indemnisation, comme ce fut le cas pour la jaunisse en 2020, ou à être le plus justement indemnisé lors des sinistres de phytotoxicité provoqués par des désherbants non conformes en 2021.