Lancée en 2015, l’Action Syppre rassemble l’expertise des 3 instituts techniques Arvalis, Terres Inovia et l’Institut technique de la betterave (ITB). Son but : mettre au point des systèmes innovants conciliant productivité, rentabilité et environnement. Ils sont testés entre autres sur les limons de Picardie à Estrées-Mons et sur les sols crayeux de Champagne à Bétheny près de Reims.

En Picardie, le strip-till, efficace en automne

Sur la plateforme de l’Oise, le projet Syppre expérimente un système dit « innovant ». Il se définit par la mise en œuvre de leviers qui préservent et améliorent la fertilité du sol tout en réduisant la dépendance aux intrants de synthèse, phytos et engrais. En pratique, il se différencie du système témoin par une rotation plus diversifiée, qui intègre des légumineuses (en culture principale, en culture associée et en interculture) et un maïs. Le système innovant diffère aussi par des couvertures de sols plus longues, favorables à la fertilité.

Enfin, le strip-till « profond » fait partie tes techniques utilisées dans le système innovant. Il s’applique à deux périodes de l’année sur la plateforme : au mois d’août pour le semis du colza et en entrée d’hiver pour les cultures de printemps que sont le maïs et la betterave. « Cette technique de strip-till profond sur le colza a permis de favoriser le développement des pivots » note Nicolas Latraye, ingénieur chez Terres Inovia. Pour l’implantation des cultures de printemps, le travail localisé pose plus de difficultés : selon le responsable de la plateforme, les conditions étant de plus en plus pluvieuses en entrée d’hiver, il est devenu compliqué de trouver un bon créneau pour travailler le sol dans des conditions favorables. Il a même été impossible de réaliser ce strip-till d’hiver l’année dernière. Afin de s’affranchir de cette difficulté de passage, il a donc été décidé d’avancer ce travail du sol afin d’avoir des conditions idéales de portance du sol et une fragmentation optimale sur la ligne de semis. Mais avancer cette date de travail amène un risque dans les sols limoneux du Santerre : voir se refermer le sillon au cours de l’hiver. Afin de limiter cet effet, un couvert de tournesol a été implanté dans les sillons, son système racinaire permettant d’occuper et de structurer le sillon travaillé. Pour que les adventices ne se développent pas trop, la couverture du sol est complétée par de la phacélie, du trèfle d’Alexandrie ainsi que de la moutarde anti-nématode semée sur toute la parcelle.

La plateforme teste aussi l’implantation de cultures de printemps en non-labour. Sur le système innovant, de très bonnes performances ont été observées en pomme de terre et en maïs en 2021. Il valide par exemple le pré-buttage d’automne sur pomme de terre. « À l’inverse, le manque de maîtrise a encore fait défaut sur le strip-till pour la betterave. Nous allons abandonner cette technique l’an prochain » note Nicolas Latraye. La plateforme poursuit ses travaux autour de ces thèmes, en testant des techniques permettant de concentrer la matière organique en surface.

En Champagne : le « plus » du colza associé

Sur la plateforme de Bétheny (Marne), le système dit « innovant » intègre aussi des cultures de printemps peu exigeantes en intrants et ne contient que trois blés sur 10 ans. Les acquis de la campagne 2021-22 confortent plusieurs points positifs sur colza. En effet, la crucifère donne un rendement de 35 q/ha en système innovant contre seulement 26 q/ha pour le colza témoin. Cette différence est due à un développement moins vigoureux avant l’hiver du colza classique, semé le 1er septembre après labour. Dans le système innovant, le semis a été fait derrière pois, à l’aide du strip-till et la levée a eu lieu 11 jours plus tard, alors que le colza classique a pour précédent un blé. La culture de colza a été associée à du fenugrec positionné sur le rang pour permettre de biner la culture et de ne pas abîmer le colza lors du passage du pulvérisateur. D’autres essais de colza semé avec des légumineuses -lentille et fèverole- sont positifs. Ceux-ci montrent que le précédent et l’association permettent d’augmenter le rendement moyen du colza, de limiter les apports d’azote et de réduire le traitement insecticide sur colza. Une nouvelle fiche pratique DiverImpacts* vient d’être publiée à partir de ces travaux.

Sur cette plateforme, le nouveau système testé livre pour l’instant des résultats moins convaincants sur les autres cultures. Les rendements en blé sont très hétérogènes en 2022, avec des différences liées au précédent et dates de semis. Les blés de chanvre semés le 18 octobre atteignent la meilleure productivité : 95 q/ha, suivis par les blés de colza semés mi-octobre : 84 q/ha. Les blés de betteraves semés le 29 octobre se placent en retrait avec un rendement de 61 q/ha. La productivité des orges de printemps varie elle aussi en fonction du précédent mais elle est moins dépendante du système de culture que le blé. Dans le système témoin, avec précédent blé et labour, l’orge atteint un niveau de 57 q/ha. Dans le système innovant, avec précédent blé et TCS, le rendement est de 55 q/ha. Les pois d’hiver introduits dans la rotation du système innovant sont très décevants en 2022 avec une maigre récolte de 5,2 q/ha. Ce résultat s’explique par une forte pression bactériose en sortie d’hiver 2021/22, les attaques de pigeons et une concurrence des adventices. Si certains résultats de la plateforme champenoise paraissent encore incertains, Syppre a déjà fait la démonstration sur le colza d’un système productif capable de réduire sa dépendance au travail du sol.

*https://syppre.fr/2022/05/03/une-fiche-pratique-sur-lassociation-colza-legumineuses-pour-reduire-les-intrants/