La réponse à cette question est plutôt non. Le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), doté de 20 M€ dont 7 M€ de fonds publics, n’a pas encore trouvé les solutions efficaces pour remplacer les néonicotinoïdes. Ce constat a été fait lors de l’assemblée statutaire de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), le 28 novembre dernier. Les 23 projets du PNRI font actuellement l’objet d’une évaluation à l’issue de la deuxième année d’expérimentation. « La mobilisation de la recherche est exceptionnelle », a déclaré le PDG de l’Inrae, Philippe Mauguin.

Le président de l’Institut technique de la betterave (ITB), Alexandre Quillet, compte beaucoup sur les semences. « Les variétés dont nous disposons permettent de réduire significativement les dégâts lors de fortes attaques de jaunisse, confirme François Desprez, président de la section betterave et chicorées de l’Union française des semenciers (UFS). Là où nous avons eu des pertes de 40 à 50 % en 2020, les pertes seraient limitées à 10 ou 15 % aujourd’hui. L’écart de potentiel en absence de maladie est de 15 % avec les meilleures variétés actuelles. Nos efforts actuels portent sur la réduction de cet écart de rendement ». Un résultat salué par le PDG de l’Inrae : « passer de 40 à 50 % de pertes en cas de forte pression de jaunisse à 10 à 15 % en 2 ans, c’est encourageant ».

Qu’aura-t-on en 2024 ? Les premières variétés disponibles seront essentiellement tolérantes. Les variétés résistantes arriveront plus tard, sans doute en 2026 ou 2027.

Pour éviter l’apparition de résistance, il faudra baisser la pression des pucerons. « La chimie sera toujours utile, estime Alexandre Quillet, qui compte sur l’arrivée d’un nouveau produit de BASF attendu pour 2026, aussi efficace que le Teppeki. « Et pourquoi ne pas aussi s’intéresser à des produits homologués en dehors de l’UE, comme le sulfoxaflor ou la flupyradifurone? », interroge Franck Sander.

Il faudra aussi se préoccuper des réservoirs viraux. « Une piste assez vraisemblable est celle les cordons de déterrage, on peut penser les enfouir pour limiter le risque de virus », suggère Philippe Mauguin.

Les projets les plus prometteurs à court terme sont les phéromones et les plantes compagnes. Les phéromones attirent les auxiliaires à l’intérieur de la parcelle au bon moment. « Dans un essai, l’efficacité a été de 60 %. Ce n’est pas encore suffisant. Quant aux plantes compagnes qui repoussent les pucerons, il n’y a que l’avoine rude pour l’instant, dévoile Alexandre Quillet. Mais son efficacité n’est pas encore suffisante et les modalités de destruction doivent être étudiées ».

D’autres solutions sont moins avancées, comme le biocontrôle. « Sur 35 produits de biocontrôle testés, aucun n’a fonctionné dans les champs, mais le principe reste bon », assure le président de l’ITB. Les bandes fleuries donnent des résultats positifs et négatifs. « Le gros problème est que c’est imprévisible, non récurrent. Il y a beaucoup de choses que l’on ne comprend pas », ajoute Alexandre Quillet. « C’est vrai qu’on n’a pas encore suffisamment de recul sur les bandes fleuries », admet le PDG de l’Inrae.

Alors, si les solutions travaillées dans le PNRI ne sont pas prêtes, le retour des néonicotinoïdes après 2024 est-il possible ? Réponse du délégué Interministériel pour la filière sucre, Henri Havard : « il faudrait que le Parlement décide de le faire, et cela me paraît très improbable ! »

Il revenait enfin à Alexis Hache, président de la commission environnement CGB, d’exprimer le sentiment des planteurs : « explorer toutes ces pistes est une bonne chose, mais avoir mis un délai extrêmement court de 3 ans est une erreur. Lutter contre la jaunisse avec du biocontrôle, des endophytes, des lâchers d’auxiliaires et des bandes fleuries relève d’une utopie pour 2024. Ce sont les 10 dernières tonnes qui font le revenu betteravier ». Le message a le mérite d’être clair.