Certains diront : si vous faites appel à un conducteur de chien de sang, c’est que vous avez mal tiré ! C’est partiellement vrai. À l’approche en particulier, quand l’arme est bien calée sur un pied, le tir doit impérativement être létal. Aucune raison, en tirant avec une lunette à une distance convenable, de blesser. Il arrive pourtant, même avec une balle bien placée, que le chevreuil, le cerf ou le sanglier parvienne à fuir sur quelques centaines de mètres. Dans ce cas, le chasseur qui opère sans chien se trouve désemparé. Seule solution : faire appel à un conducteur de l’ Union Nationale des Utilisateurs de Chien de Rouge (UNUCR). En battue, on blesse davantage puisque l’on tire « au saut de l’allée » et donc avec une précision moindre. Dans ce cas, les chiens qui ont poussé l’animal peuvent le retrouver s’il n’a pas couru bien loin. Mais jamais il ne faut les pousser ! Mieux vaut faire appel au spécialiste.

Il arrive aussi que l’on fasse appel aux conducteurs quand il ne faut pas perdre de temps. C’est ce que l’on voit dans les chasses présidentielles du domaine de Chambord, par exemple. Après la traque, un garde vient voir chaque participant, demande si un animal a été blessé et marque l’entrée du fugitif en accrochant aux branches un ruban. On passe à la traque suivante tandis qu’un conducteur va s’occuper de l’affaire.

Numéros de téléphone sur le site de l’UNUCR

Le chien de sang a été développé par nos voisins allemands qui sont des spécialistes du grand gibier. Il doit être capable de remonter la voie d’un animal blessé, même après plusieurs heures s’il a laissé quelques gouttelettes de sang sur la végétation. De nombreuses races sont aptes à ce travail : le rouge de Hanovre, le rouge de Bavière bien sûr, mais aussi le teckel à poil dur, le fox, le labrador ou le golden retriever. Arrivé sur la brisée – le ruban accroché à une branche – le conducteur place son chien dessus et le laisse travailler, le guidant avec une longe d’une dizaine de mètres pour pouvoir éventuellement le retenir s’il bondit sur un autre animal.

L’éducation se fait par le jeu et le plaisir du pistage, en traînant un morceau de peau de sanglier ou de cerf. Quand le chien est au point, il peut passer l’épreuve officielle : 1 000 à 1 200 m de pistage avec 3 angles à 90° entre lesquels la piste serpente dans la végétation ; 3 reposées simulées du blessé (dépôt de poils que le chien peut « montrer », sans que cela soit éliminatoire).

L’épreuve se déroule 20 à 24 heures après la pose de la piste. Celle-ci sera, au choix du candidat, tracée, avec 25 cl de sang de sanglier ou de cerf, ou avec 4 pieds de sanglier ou de cerf fixés sous des semelles en bois. Le duo maître/chien peut commettre deux fautes. À la troisième, il est éliminé.

Nous obtenons ainsi un binôme performant. Ces spécialistes sont à la disposition des chasseurs et ils sont bénévoles. Comment les joindre ? Sur le site Internet de l’UNUCR, on trouve les numéros de téléphone de tous les conducteurs et conductrices, département par département. Il suffit de les noter.

Honneur aux dames ! Nous avons joint Lucie Dépalles, conductrice dans l’Allier avec un fox-terrier. Elle s’est prise au jeu quand elle a vu que l’auxiliaire était doué. Elle a donc passé à la fois le stage et l’examen d’aptitude pour le fox. Elle intervient une soixantaine de fois dans la saison, avec un taux de réussite d’environ 40 %. Elle a obtenu des résultats après plusieurs kilomètres et sur une voie vieille de plus de trente-six heures. Le chien, dit-elle, peut la remonter même si les gouttelettes de sang sont infimes … À condition qu’un paquet de chiens ne soit pas déjà passé dessus. Et c’est là la principale difficulté. Après avoir blessé un animal en battue, les chasseurs, surtout s’ils voient beaucoup de sang, ont tendance à envoyer leurs auxiliaires sur de longues distances, ce qui handicape considérablement le travail de recherche. Elle insiste : « surtout dites à vos lecteurs chasseurs qu’ils ne doivent pas chercher leur animal sur plus de trente mètres et cela quel que soit le volume de sang répandu, car ce ne sont pas les blessures les plus létales qui font couler le plus de sang ». Et elle ajoute : « il faut savoir enfin que plus un animal blessé est poussé, plus il fera du chemin ». Mieux vaut donc laisser passer quelques heures et faire venir une équipe spécialisée. D’autant que les chiens utilisés dans la traque peuvent changer d’animal si, en chemin, ils en font bondir un autre.

Une association d’intérêt général

La recherche au sang est l’affaire du binôme. Il faut le laisser travailler tranquillement, à l’abri de l’agitation, dans la sérénité.

C’est de la très grande complicité entre le conducteur et son chien que naît l’efficacité. Ils progressent pas à pas dans la végétation, le maître encourageant discrètement l’auxiliaire s’il trouve des indices, poil ou sang. Il faut aussi prévoir la présence d’un chasseur armé car l’animal, même au bout de vingt-quatre heures, n’est pas toujours mort et un sanglier blessé reste dangereux.

Une chose est certaine : rien n’est plus pénible que de laisser un animal blessé dans la nature, et à ce titre la recherche au sang est une mission d’intérêt général. L’UNUCR a d’ailleurs été reconnue en tant que telle le 9 juin dernier, ouvrant ainsi droit aux déductions fiscales pour les dons.