Des comptages de pucerons verts (Myzus persicae) et noirs (Aphis fabae), potentiellement porteurs de virus de la jaunisse, ainsi que des relevés de biodiversité de leurs principaux ennemis naturels, ont été effectués au printemps 2022 dans près de 20 parcelles participant au réseau des fermes pilotes. Les données ont été récoltées du sud du bassin parisien au nord de la France et ont permis une première évaluation à grande échelle des dynamiques de pucerons en fonction du type de bordure du champ (bande fleurie ou bande enherbée témoin) et de la distance par rapport à cette bordure. Les résultats présentés dans cet article ont été synthétisés par une équipe de chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Université de Picardie.

Des résultats encourageants

Les premiers résultats démontrent que la présence d’une bande fleurie défavorise les pucerons, surtout à proximité de la bordure et jusqu’à 25m environ (après quoi il n’y a plus de différence). Cela est probablement dû à l’action immédiate des ennemis naturels présents sur feuillage (coccinelles, larves de syrphes) qui bénéficient des ressources florales, surtout à proximité de la bordure (l’effet des bandes fleuries diminue progressivement jusqu’à 50m). Au sol, les coléoptères carabiques – souvent de féroces prédateurs de pucerons semblent aussi favorisés par la présence de bandes fleuries, peu importe la distance à cette dernière, mais l’effet reste assez marginal. La réponse est en revanche inverse pour les araignées qui chassent au sol ; elles sont plutôt favorisées par la proximité d’une bande enherbée. Toutefois, l’effet de l’IAE (Infrastrucure agroécologique) ne permet pas une réduction drastique des populations de pucerons (en moyenne, -15 %), et pas sur les stades les plus précoces de la culture. Il se peut que cela soit dû au problème de floraison tardive rencontré au printemps 2022 sur la plupart des sites. Néanmoins, la bande fleurie présente l’avantage de ralentir la dynamique de croissance des populations de pucerons au cours du temps, diminuant ainsi potentiellement leur propagation vers d’autres parcelles et le risque de transmission de virus.

Creuser les mécanismes d’action

Afin de déterminer la nature exacte des organismes qui contribuent au contrôle biologique des pucerons, une expérimentation mesurant l’évolution des populations de pucerons en présence ou en absence d’ennemis naturels a été réalisée. Pour cela, des dispositifs d’exclusion différentielle (barrières semi-enterrées et cages sous filet insect-proof) ont été mis en place à l’Inrae Le Rheu pour distinguer l’effet des prédateurs épigés (vivants à la surface du sol, comme les carabes, les araignées ou les staphylins) de celui des ennemis naturels aériens (parasitoïdes, coccinelles, syrphes …). Le principal résultat obtenu est un effet fort et précoce des prédateurs épigés sur les populations de pucerons, verts comme noirs, avec une diminution de leur abondance dès la première date de suivi (27 avril 2022). L’ expérimentation sera à nouveau réalisée au printemps 2023 afin de consolider ce résultat.

De nouvelles perspectives de recherche

Les données montrent que le contrôle biologique des pucerons est meilleur dans les parcelles où les bandes fleuries avaient levé assez tôt dans la saison de culture (dès la fin avril) et comprenaient une assez grande diversité d’espèces de plantes (> 4 espèces différentes), chacune avec un bon recouvrement (> 10-15 % du total). Ces points sur la composition et l’état de développement de la bande fleurie semblent évidents, mais sont des éléments pivots à absolument considérer pour optimiser l’efficacité de ces IAE.

Les variations dans les abondances de pucerons et de leurs ennemis naturels, bien qu’affectées par la bande fleurie, restent très dépendantes de la parcelle considérée. Même si le cas par cas est parfois nécessaire pour une bonne gestion, nous devrons donc d’abord démontrer si l’efficacité de ce levier agroécologique est généralisable dans plusieurs situations environnementales. Cela fait l’objet d’une étude approfondie pour affiner nos moyens de prédiction, car il se peut que les caractéristiques du paysage (différents couverts de culture, présence d’éléments semi-naturels, etc.) entourant les parcelles de betteraves, ainsi que le climat régional, influencent l’efficacité des bandes fleuries.