Ces dernières années ont confirmé les pertes d’efficacité des fongicides dans les parcelles de betterave. Le projet Recife a montré qu’en France, la résistance aux strobilurines est présente dans la totalité des échantillons testés. Concernant les triazoles, la résistance est également généralisée (pas de souches sensibles détectées) mais la structure des populations peut varier suivant les parcelles.

Lorsqu’un mode d’action est utilisé chaque année et plusieurs fois dans la même parcelle, le risque d’augmenter la proportion d’individus résistants est fort.

Le projet s’est attelé à déterminer les doses discriminantes (concentration à laquelle les souches sensibles sont inhibées) pour calculer le facteur de résistance d’une population. Lorsque ce facteur est faible, cela signifie que la population est peu résistante. L’ITB a réalisé 144 prélèvements de cercosporiose sur l’ensemble des différentes régions betteravières françaises.

Ces prélèvements ont permis de réaliser des cartographies pour les molécules les plus utilisées en France : difénoconazole (figure 1) et tétraconazole (figure 2). Ces cartes ne montrent pas de distinction géographique mais, suivant l’historique des parcelles, les efficacités peuvent varier.

Recife (2019 – 2021), réalisé en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), avait pour objectif de réaliser un état des lieux des résistances à plusieurs modes d’action des populations de Cercospora beticola, agent de la cercosporiose.

Afin de compléter ces premiers travaux, l’ITB a équipé un laboratoire afin de mettre en place de nouvelles expérimentations au centre d’expérimentation de l’Institut technique de le betterave (ITB) du Griffon.

Les résultats d’efficacité des produits au champ sont eux présentés page suivante.

Trois questions sur les évolutions des résistances aux fongicides

Témoignage d’expert : Anne-Sophie WALKER, ingénieure de recherche sur les résistances aux fongicides dans l’unité Bioger Inrae de Saclay.

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1. Dans les grandes cultures, quel bilan pouvez-vous faire sur les résistances des maladies aux fongicides ?

Le statut des résistances est différent d’une culture à l’autre. Il y a relativement peu de résistances en culture de pomme de terre, mais la situation est plus fortement dégradée en céréales. Les modes d’action utilisés depuis de longues années sont souvent les plus concernés par les résistances.

2. Que préconisez-vous afin de limiter les apparitions des résistances ?

Il convient d’utiliser la protection intégrée dans un premier temps et de n’utiliser les produits de protection phytosanitaires (PPP) qu’en dernier recours. Ainsi, les mesures prophylactiques (variétés, rotation…) doivent être développées et l’alternance ou le mélange des modes d’action des PPP, en utilisant les connaissances sur les résistances, doit être le premier réflexe. Il est primordial d’avoir une vision à long terme en acceptant de ne pas obtenir la meilleure efficacité à chaque passage, mais de viser la pérennité des solutions.

3. Concernant la cercosporiose, comment voyez-vous la protection des betteraves dans les prochaines années ?

Le projet Recife* a montré que la situation est déjà très dégradée pour les solutions actuellement utilisées. Des résistances sont même encore présentes sur des modes d’action qui ne sont plus utilisés depuis de longues années. De nouvelles molécules sont attendues, mais les nouvelles tolérances génétiques devront être utilisées prioritairement.

*en partenariat avec l’INRAE, l’ANSES et l’ITB