Le biocontrôle est décidément très convoité ! « 1,2 milliard de dollars. C’est la somme que vient de débourser Corteva pour acquérir le spécialiste américain des biostimulants Stoller », souligne l’étude réalisée par Unigrains en décembre 2022, qui met en avant une tendance de fond sur le rachat d’entreprises spécialisées dans les biosolutions. « Il existe une forte demande en France pour des pratiques de culture alliant durabilité et efficacité, et les agriculteurs sont de plus en plus attentifs à la demande des consommateurs », déclare Sylvain Bedel, directeur général de Corteva France. « Notre stratégie en France vise à amplifier le développement des produits de notre plateforme « Biologicals », qui complètent nos solutions conventionnelles. Stoller est leader en produits biologiques ; nous voulons devenir un acteur incontournable en France sur ce marché ».

Pourtant, ces rachats ne sont pas nouveaux. « La première vague d’investissements via des agrochimistes s’est mise en route entre 2009 et 2015, sans pouvoir en distinguer de leader », déclare Robin Horriot, chargé d’études junior chez Unigrains et auteur de l’étude. La pression sociétale actuelle, combinée aux exigences environnementales, viennent motiver ces nouvelles acquisitions. « Les biosolutions font partie de l’équation de la transition agroalimentaire », ajoute Robin Horriot. Il s’agit en effet d’un outil pouvant appuyer la feuille de route européenne, notamment en termes de réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. Le contexte climatique actuel, qui impacte l’environnement et le secteur alimentaire, accélère également le développement des biosolutions, qui peuvent par exemple répondre au stress hydrique.

« Un marché en construction »

Les biosolutions ne réagissent cependant pas aussi efficacement que les produits chimiques, car ce sont des produits issus du vivant. « C’est un marché en construction, les produits sont plus difficiles à maîtriser », indique Robin Horriot. « Les produits de biocontrôle ne sont pas encore au stade de l’efficacité, nous devons monter en compétences et en innovation pour que ça puisse fonctionner », complète Jean-Paul Souchal, responsable du marketing des cultures chez Bayer. Les agrochimistes misent gros pour se positionner sur le marché : l’entreprise internationale Corteva Agriscience a investi pour l’acquisition de Stoller, après avoir racheté le groupe espagnol Symborg, spécialiste en biostimulants. De son côté, le groupe Bayer vient d’investir 6 M€ dans une nouvelle usine de conditionnement dédiée aux produits de biocontrôle au sein de son usine de Marle, dans l’Aisne, afin de la transformer en concentrateur européen des biosolutions. Syngenta a investi dans Bionema, une entreprise spécialisée dans le biocontrôle. « Les biosolutions, qui incluent les biocontrôles et les biostimulants, sont l’un des 5 axes de développement de Syngenta pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique », déclare Xavier Thévenot, directeur de l’Innovation et de la durabilité chez Syngenta. Ces nombreux investissements visent à être rentables dans les prochaines années. Pour Corteva, ce deuxième rachat en 2022 répond à une ambition : « l’objectif affiché est qu’à horizon 2030, ces 3 familles (Biologicals, Stoller et Symborg) réalisent 30 % de son chiffre d’affaires total », précise Robin Horriot dans son étude.

*Unigrains est la société d’investissement de la filière céréalière.

Point de vue de Jean-Paul Souchal, responsable du marketing des cultures chez Bayer

« Les biosolutions (biocontrôles et biostimulants) sont un pilier dans notre palette de solutions et nous avons de fortes ambitions de développement, notamment au vu des nouvelles orientations politiques et règlementaires. Bayer a mis en place une démarche d’open innovation, en travaillant avec plusieurs acteurs : des universitaires, des start-up et des laboratoires. Notre partenariat avec Ginkgo Bioworks, spécialisé dans la recherche et le développement des solutions microbiennes, reflète cette idée de maximiser les compétences scientifiques, en termes d’industrialisation, afin de proposer plusieurs solutions dans un secteur qui a vocation à se développer. Nous ne sommes pas pour autant dans une stratégie de remplacement total des produits chimiques par des produits de biosolutions ou de biocontrôle. Nous savons qu’on ne pourra pas se passer de produits chimiques du jour au lendemain ; nous réduisons leur usage en les combinant aux biosolutions, comme une transition et par complémentarité. Nous allons jouer sur les autres composantes, en travaillant avec les semences, le digital farming etc… Le but est de montrer ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement ».