« Y aura-t-il encore des betteraves dans notre département ? » s’est interrogé un planteur, lors des réunions organisées par la CGB Oise, le 31 janvier. L’interdiction d’utiliser les néonicotinoïdes pour les semences de betteraves est un vrai coup de massue pour les betteraviers de l’Oise. L’année 2020 reste dans les mémoires avec les rendements catastrophiques dus à la jaunisse.

Autre préoccupation : celle de la disponibilité des co-produits de la betterave. Des éleveurs s’alarment, souhaitant savoir s’ils disposeront de pulpes surpressées. Quelques méthaniseurs se posent la même question. « Nos outils de production vont-ils encore pouvoir tourner si les volumes de betteraves diminuent ? ».

Alexis Hache, président de la CGB Oise, regrette aussi le manque de solutions satisfaisantes à ce jour. Les variétés tolérantes actuelles s’avèrent moins productives. Elles limitent la jaunisse mais ne l’annulent pas. Il faudra attendre 2026 pour obtenir des variétés tolérantes plus productives. L’Allemagne et la Belgique vont autoriser une molécule NNI de traitement foliaire en dérogation. Mais cette solution n’est pas au programme français. Enfin, une molécule aphicide est en cours d’homologation, mais elle ne sera disponible en Europe qu’après 2024.

« 0,5 % des pucerons contaminés suffisent à contaminer la parcelle, poursuit Alexis Hache. La difficulté avec les traitements foliaires autorisés est de traiter les pucerons avant qu’ils aient pu contaminer les autres. Quant aux graminées utilisées en plantes compagnes du PNRI, elles sont à proscrire chez nous, car elles favorisent les graminées résistantes ».

Une aide indispensable pour la filière

« Nous ne passerons pas le cap des années sans solutions techniques, s’inquiète un jeune agriculteur. Il nous faut absolument un accompagnement financier. C’est impossible d’assumer seuls de tels risques sanitaires ». Une attaque de jaunisse coûterait un milliard d’euros à la filière française, moitié pour les planteurs et moitié pour les industriels, estime Alexis Hache. Mais cette indemnisation soulève beaucoup de questions. « Notre moyenne à cinq ans ou notre moyenne olympique est très basse dans l’Oise (jaunisse en 2020 et sécheresses). Elle ne correspond pas à notre potentiel et ne doit pas constituer une base d’indemnisation », insiste un planteur.

Autre inquiétude : celle d’une généralisation d’interdictions de protection phytosanitaire sur d’autres productions (comme l’endive, les pommes, les cerises). Avec la diminution de la productivité agricole et de l’indépendance alimentaire.

Seule bonne nouvelle, la hausse des prix d’achat de la betterave, avec des annonces à 45 €/t. Attention tempère Timothée Masson, directeur du service économique de la CGB, vu l’augmentation des charges de 35 % en trois ans, il faut un prix de 35,9 €/t à 85 t/ha de betteraves ou de 43,6 €/ha à 70 t/ha pour assurer une marge correcte. Ces chiffres intègrent le doublement du prix du fuel, le triplement de celui des engrais et la multiplication par six de celui du gaz. « Quel dommage que l’on supprime nos moyens de production alors que les prix sont au plus hauts et que l’Europe n’est pas autosuffisante en sucre », conclut un betteravier.

2022, une année décevante avec la sécheresse

« Pour la campagne 2022-2023, le rendement de l’Oise atteint péniblement les 67 t/ha à 16, à cause de la sécheresse. Soit 10 tonnes de moins que le rendement national », constate Henri Faes, le directeur de la CGB Oise. L’usine de Chevrières a terminé la campagne le 16 décembre, à 65 t/ha, avec une belle cadence de 12 000 t/j. La campagne a duré 94 jours. Du jamais vu depuis 30 ans. La tare terre s’est maintenue à 8,3 %. Chez Saint Louis, la campagne s’est prolongée jusqu’à la mi-janvier, avec des problèmes de betteraves gelées ponctuellement. Les betteraves sont passées en très peu de temps de -7°C à 15 °C. Les betteraves gelées sont plus sensibles au déterrage et au lavage, note le technicien. Globalement les betteraves non marchandes (BNM) sont plus importantes qu’en année moyenne : 0,4 % à Chevrières, 0,5 % à Étrépagny et 0,36 % à Roye jusqu’au 31 décembre. Leur part a ensuite atteint 2,4 % à Étrépagny et 1,5 % à Roye pour les deux premières semaines de janvier.

Les sècheresses estivales récurrentes posent aussi question. Dans certaines zones de l’Oise, les betteraves sont passées en dessous de la ligne de survie de stress hydrique, dès le 5 mai 2022, et le sont restées jusqu’à la récolte. Irribet préconisait alors trois tours d’irrigation à 30 mm, détaille Gaylord Denizot, délégué adjoint de l’ITB Oise. Le sec a aussi pénalisé le désherbage avec 30 % de parcelle au désherbage insuffisante. Sachant qu’un chénopode au m2 génère une baisse de rendement de 3,7 t/ha.