L’Inde sucrière est décidément imprévisible. On se souvient que le pays était passé de 30 Mt de sucre en 2019-2020 à plus de 39 Mt en deux campagnes. Pour la campagne en cours, la plupart des analystes anticipaient plus de 36 Mt : même S&P, qui fait référence, prévoyait plus de 37 Mt fin décembre dernier.

Mais ce pays au climat de mousson, où la canne est cultivée sur des parcelles inférieures à 2 ha en moyenne, par plus de 5 millions de planteurs livrant plus de 500 sucreries, est décidemment imprévisible.

Car on apprend désormais qu’il ne faudra pas s’attendre à guère plus de 34 Mt de sucre pour la campagne qui a ouvert en octobre dernier. Certes, le climat a fait des siennes, mais c’est aussi le résultat de la politique en faveur de l’éthanol qui a permis cette tendance. En autorisant la production d’éthanol à partir de jus vert depuis 2018, et en régulant le prix d’achat de l’éthanol en fonction de la matière première qui a été utilisée, le biocarburant a été plébiscité par les automobilistes indiens. Et ils sont gourmands : le pays a besoin de près de 10 % de carburant de plus tous les ans !

C’est ainsi que l’on estime que, pour la campagne en cours, plus de 4,5 Mt de sucre n’ont pas été produits – c’est deux fois plus qu’il y a deux ans, et la tendance ne semble pas prête à s’inverser.

Une telle baisse de production est suffisante pour mettre en péril le surplus mondial annoncé pour la campagne en cours. Il reste trop tôt pour en être certain – attendons la récolte brésilienne, en avril prochain. Mais c’est suffisant pour faire bondir les cours. Et pas qu’un peu : en clôturant, la première semaine de février dernier, au-dessus de 21 cts/lb, le sucre brut signe un record jamais vu depuis février 2017.

Du côté européen, la tendance est loin d’être opposée. La Commission européenne a publié la valeur du sucre blanc sur le marché domestique en décembre dernier : 624 €/t sortie sucrerie pour la région incluant la France. C’est une progression de 6 % en un mois, et de plus 51 % en un an… Et personne n’anticipe une tendance baissière sur le court terme : le nouveau bilan de la Commission européenne, publié le 6 février dernier, anticipe un stock de fin de campagne à 1,3 Mt. Un niveau aussi bas n’avait été vu qu’une seule fois, par le passé : c’était à la fin de la campagne marquée par la jaunisse, en 2020…