Surgie du désert, parmi les scorpions, racontait-on en 2015 lors de son inauguration, l’usine de BKT à Bhuj (Etat du Gujarat), à l’ouest de l’Inde, est devenue un modèle en son genre. Qu’il s’agisse de son expertise technique et économique, mais aussi environnementale et sociale. Selon l’ambition présentée au début de l’année à Bombay par la direction de l’entreprise, Rajiv Poddar, la production annuelle de pneumatiques devrait atteindre 600 000 tonnes en 2026 pour un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars, le double de celui de 2022. 450 tonnes de produits Off-Highway (hors-route) sortent chaque jour de Bhuj pour prendre la direction de Mundra, à 60 km sur l’océan indien où ils embarquent pour rejoindre les marchés de 160 pays, principalement ceux de l’agriculture et des travaux publics. C’est le cas des derniers-nés de BKT, l’Agriforce BK T71, premier modèle de chenille développé par le constructeur, et de la gamme de pneumatiques radiaux et « e-ready » (prêt pour l’électrique) Agrimaxfactor réservée au travail du sol et au transport. Le vent d’optimisme teinté d’audace, signature-type de BKT, ne semble pas prêt de mollir depuis les débuts de l’aventure de Bhuj – 92 tonnes par jour en 2015. Pour la direction de l’entreprise, dont l’activité a progressé de 49 % par rapport à la période antérieure à la pandémie de Covid, la demande mondiale de pneumatiques ne devrait pas faiblir ces cinq prochaines années. C’est comme si, à travers la décision un peu folle de construire une usine au milieu de nulle part mais proche d’un port pour porte-conteneurs, BKT avait tout vu venir. Des choix stratégiques ont été faits avec la mise en service en 2017 d’une usine de noir de carbone utilisé dans la bande de roulement des pneumatiques. Un type particulier, le « specialty carbon black », devrait y être bientôt produit parce que plus pur, renfermant moins de cendres et un faible niveau de HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) réputés toxiques.

Centrale de cogénération

BKT, auquel le souci énergétique et environnemental n’est pas étranger, s’est fixé de réduire de 70 % sa consommation annuelle d’énergie (équivalant à plus de 2 000 tonnes d’émissions de CO2). Le gaz pour fabriquer le noir de carbone est produit par une centrale de cogénération qui permet l’économie annuelle de 215 000 tonnes de charbon. Un an après le premier coup de pioche sur les 120 hectares conquis sur le désert en 2013, BKT mettait en service sa propre centrale électrique. Aujourd’hui, changement d’échelle, des panneaux solaires et une centrale de cogénération (double production d’énergie thermique et mécanique), agrandie en 2022 pour doubler la puissance de 20 à 40 mégawatts, apportent l’énergie indispensable. L’eau utilisée dans l’usine est traitée et réintroduite dans les circuits. BKT reste discret sur les aspects techniques et les procédés liés à la fabrication de ses pneumatiques. Ouvert en 2017 à Bhuj, le centre de recherche et ses laboratoires travaillent dans le silence. Mission : préserver le « leadership international » du manufacturier. Sur l’une des six pistes d’essai, un tracteur tourne. Toute une panoplie de tests est possible : traction, maniabilité, compactage du sol, confort, sur un terrain asphalté ou non, en béton, avec ou sans la pente, en conditions sèche et humide. Sur les questions relatives à son personnel, l’entreprise est plus bavarde. Elle a créé, dans l’enceinte du site (320 hectares), une petite ville qui abrite un millier de personnes parmi ses presque 5 000 employés, avec école et centre médical. Quatre cents enfants ont été diplômés l’année dernière à l’issue de leur scolarité. Non loin de là, un centre de formation vient d’être achevé, et une résidence d’un luxe sobre accueille les visiteurs. BKT désigne son installation comme une « usine à dimension communautaire et pionnière ». Il a conscience qu’elle pourrait servir d’exemple dans le secteur industriel, au-delà des frontières de l’Inde.

La première chenille de BKT

Soucieux d’élargir son offre de produits, le manufacturier indien vient d’inscrire à son catalogue sa première chenille, Agriforce BK T71, construite dans son usine de Buhj au sein d’une nouvelle unité de fabrication dédiée à ce type d’équipement. Réalisée en caoutchouc, cette chenille est, depuis le début de l’année, disponible dans une taille unique (18 pouces ou 457 mm de largeur, 6,70 m de longueur avec 88 barrettes de 51 mm de hauteur). Cependant, quatre autres dimensions sont en phase de développement, de même largeur (457 mm) mais avec une longueur plus importante (8,07 m, 8,22 m, 8,83 m et 8,99 m) et un plus grand nombre de barrettes (jusqu’à 118 sur le modèle de 8,99 m). L’Agriforce BK T71 se caractérise par une bande de roulement auto-nettoyante avec un pas de 6 pouces entre chaque barrette, conçue de manière à résister aux coupures, déchirures et abrasions. La carcasse est renforcée grâce à quatre toiles de corde en acier à haute résistance. BKT précise que, comme toutes les chenilles pour l’agriculture, l’Agriforce BK T71 ne dispose pas de noyau métallique, de façon à la rendre plus flexible sur les sols humides et meubles. Le manufacturier destine ces chenilles aux tracteurs de grande puissance utilisés pour le travail du sol et les cultures en rangs.