Pourquoi reparle-t-on autant du Mercosur aujourd’hui ?

Cela fait plus de 20 ans que l’Union européenne négocie un accord commercial avec les pays du Mercosur. L’accord de libre-échange a été conclu en juin 2019, mais aujourd’hui la Commission européenne pousse pour accélérer le processus de ratification, depuis l’élection de Lula à la présidence du Brésil. Cet accord prévoit des baisses de droits de douane sur 650 000 t d’éthanol. Le problème est que le Brésil dispose d’une capacité gigantesque de production à un coût de production très compétitif. Il peut également être avantagé par le taux de change de la monnaie brésilienne. De plus, le gouvernement brésilien soutien le développement de l’éthanol par son programme Renovabio, qui fait de ce pays le deuxième producteur mondial d’éthanol.

Pourquoi la Commission a-t-elle donné un tel volume ?

La Commission européenne a accordé un contingent de 600 000 t d’éthanol – soit 7,5 Mhl – dès 2003-2004, alors que l’Europe adoptait sa première directive sur les énergies renouvelables. À l’époque, l’UE avait de grandes ambitions et prévoyait un marché de l’ordre de 200 Mhl. Alors, dans cette perspective, les 7,5 Mhl auraient représenté un petit volume. Malheureusement, ce niveau de consommation n’a pas été atteint puisque l’UE a décidé de plafonner arbitrairement le bioéthanol de première génération, sans que le contingent brésilien ne soit, lui aussi, revu à la baisse, au contraire.

Aujourd’hui, le volume concédé au Mercosur est de 650 000 tonnes (8,2 Mhl) soit environ 12 % du marché européen de l’alcool, et représenterait près de la moitié des importations actuelles de l’UE, qui ont explosé en 2022 à 21 Mhl (+ 45 % par rapport à 2021). Ces 8,2 Mhl viendraient déstabiliser l’équilibre global du marché européen, qui est de 70 Mhl, et mettraient potentiellement à mal la production sucrière et amidonnière, qui est en synergie avec la production d’éthanol.

Mais le plus inquiétant, c’est que les producteurs européens sont soumis à des normes sanitaires, environnementales, sociales nettement supérieures à celles en vigueur dans les pays du Mercosur.

Comment se traduisent les concessions au niveau des chiffres ?

Les concessions seront progressives sur six ans. Les 650 000 t se décomposent en 450 000 t à droit nul pour l’utilisation par l’industrie chimique (cette liste doit encore être clarifiée car nous nous opposons à ce que l’ETBE et certains mélanges soient inclus), ainsi qu’un contingent de 200 000 t libéré sur 6 ans à droits réduits (un tiers du droit MFN Most-Favoured-Nation) pour tous les usages, y compris les carburants.

Que demandez-vous aujourd’hui ?

Si l’accord devait être ratifié, il faut au minimum l’inclusion de clauses miroirs en matière de développement durable. Mais cela ne sera pas suffisant, compte tenu des volumes en jeu dans cet accord, des volumes d’importation actuels et potentiels, et du fait que le marché de l’éthanol européen ne s’est pas développé comme prévu. Nous demandons que les Etats Membres n’approuvent pas cet accord. Pour l’instant, plusieurs États membres s’opposent à cet accord. Il faut que l’UE mène une politique commerciale cohérente avec ses enjeux de souveraineté énergétique et alimentaire, sans oublier les enjeux climatiques et sociétaux. Sans cela, les outils de production européens seront menacés.