« L’orge six rangs d’hiver, c’est le 4X4 de la filière brassicole ! Polyvalent, son malt passe partout », interpellait Marc Schmitt, directeur général de l’Institut français de la brasserie et du malt (IFBM), le 13 avril, lors du 23e colloque de la filière organisé par Arvalis à Dijon. Un 4X4 français, même unique au monde puisque les autres pays cultivent cette céréale pour l’alimentation animale. 15 % des bières mondiales sont issues des orges françaises, dont la moitié sont des six rangs. Néanmoins, les surfaces restent stables en France au fil des campagnes avec environ 450 000 hectares escomptés pour la récolte 2023.

Identifiée par les agriculteurs comme l’un des meilleurs précédents du colza en raison de la précocité de récolte, l’orge six rangs serait malgré tout en repli sur les sols à potentiel de rendement modeste du centre-est de la France. Selon Mickaël Mimeau, responsable agronomique de l’Alliance BFC (Bourgogne du Sud, Dijon Céréales, Terre Comtoise), « l’orge six rangs conserve un intérêt agronomique et mériterait de meilleurs prix ».

Compétitive et complémentaire des orges 2 rangs de printemps dans les recettes des brasseurs, l’orge d’hiver est caractérisée par une teneur en protéines stable et un poids spécifique plus favorable que la 2 rangs. Dans le malt, elle apporte aussi plus d’extrait à l’hectare, le critère rendement ressortant plus élevé que pour l’orge de printemps. La carrosserie du 4X4 s’est même considérablement renforcée ces cinq dernières années : désormais, toutes les variétés d’orges six rangs obtenues et déposées à l’inscription au Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) sont tolérantes au virus de la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) et possèdent un profil technologique de plus en plus attrayant pour la filière brassicole.

Tolérantes JNO, en pole position pour entrer dans la liste CBMO

Reste pour cette nouvelle génération d’orges à entrer dans le « sacro-saint » de la liste des variétés préférées par les malteurs et brasseurs établie par le Comité bière malt orge (CBMO). « De qualité désormais équivalente à celles des variétés non tolérantes à la JNO, des brasseurs les inscrivent déjà dans leur cahier des charges, partage Amélie Genty sélectionneuse chez Secobra Recherches. Quant à l’ajout à la liste des variétés préférées, une grande partie se positionne dans la dernière ligne droite de l’observation commerciale et industrielle du CBMO », ajoute-telle.

Cette génétique, très active, clé de la compétitivité pour les agriculteurs car baissant les coûts des intrants, rencontre une démarche d’admission dans la filière des brasseries trop lente ainsi que des difficultés d’allotement. Le CBMO assure aller vers ces variétés pour être plus vertueux au champ. Les organismes stockeurs œuvrent aussi en ce sens.

En 2023, les variétés Torrentiel (Secobra Recherches), KWS Delis et KWS Opalis, toutes tolérantes JNO, sont en test pilote par le CBMO. Idem avec Carroussel et Constel (Secobra Recherches), KWS Exquis, LG Zelda et Eternel (Lemaire Deffontaines) qui finalisent leur évaluation industrielle. La liste des préférées compte six variétés. Parmi elles, 4 sont cultivées sur plus de 150 000 hectares : Etincel, KWS Faro, Visuel et Pixel.

Résilience face au changement climatique

Côté robustesse, l’orge six rangs passe déjà très bien les printemps secs car la culture bénéficie d’une bonne implantation. Une étude prospective* la positionne parmi les espèces les plus tolérantes au déficit hydrique. Elle occupe même la deuxième place du podium pour la stabilité de rendement, derrière le champion sorgho. Selon trois scénarios modélisés à horizon 2050, 2070 et 2100, l’orge d’hiver conserve cette deuxième place pour son comportement vis-à-vis du manque d’eau. Elle franchit même la première la ligne d’arrivée sur le critère « moindre perte de rendement », se classant dans un boisseau de poche avec le blé, pour les 70 prochaines années.

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*Sources : Impact du changement climatique sur le besoin en eau et rendements des cultures en Bourgogne-Franche Comté, Séverin Yvoz, 2022.

Les orges 2 rangs de printemps s’invitent davantage en hiver

Désormais, 10-15 % des surfaces d’orges de printemps sont semées à l’automne et s’observent de plus en plus dans les Hauts-de-France. Avec une bonne implantation, leur résilience s’accroît face au risque de sécheresse au printemps. Exposée au gel au stade coléoptile une année sur cinq en moyenne au nord, cette orge se sème début novembre. Avec un risque de rhynchosporiose plus important, période d’exposition plus longue oblige, le choix s’oriente vers les variétés les plus tolérantes. « Nous recherchons une tolérance optimale au complexe parasitaire permettant un faible écart « traité-non traité », complète Emmanuel Sterlin, responsable marketing du réseau Deleplanque-Saaten Union. À celui-ci s’ajoutent la stabilité du rendement, la résilience face à la sécheresse, la tolérance à la verse, une polyvalence du profil qualité pour une adaptation aux principaux cahiers des charges des brasseurs ». Héritière de Fandaga, la variété Sting de Deleplanque Saaten-Union (score CTPS supérieur à 105 %) est retenue en test pilote par le CBMO en 2023 tout comme Magnitude d’Unisigma. En 2023, deux variétés sont estampillées CBMO : KWS Thalis, précoce, avec une excellente productivité mise en avant et LG Tosca avec un calibrage élevé limitant les réfactions à la récolte. La sélection des brasseurs s’étend à onze variétés.