L’ITB a démarré un projet, nommé Sugar, pour caractériser la diversité génétique de Cercospora beticola et appréhender les capacités adaptatives du champignon. Une collection de souches de référence permet désormais d’évaluer la sensibilité des variétés ou l’effet de conditions culturales.

Diversité génétique des populations de C.beticola

Au total, 269 souches prélevées en 2019 et 2020 sur l’ensemble des départements betteraviers français ont fait l’objet d’analyses moléculaires. La diversité génotypique observée est forte, il n’existe pas de souche dominante, ni de structuration géographique des souches présentes sur le territoire. Une même souche peut se retrouver partout en France. Une collection de 100 souches est conservée, représentant la diversité génétique et maximisant les origines géographiques (figure 1) et les sensibilités aux substances actives fongicides, mesurées dans le cadre d’un précédent projet de recherche avec les mêmes partenaires. Ce projet visait à comprendre l’origine de la perte d’efficacité des produits conventionnels contre la cercosporiose.

Sensibilité de C.beticola aux matières actives fongicides

La résistance aux strobilurines est présente dans la totalité des échantillons testés, ce qui explique les faibles performances des produits à base de ces matières actives depuis déjà quelques années. Les triazoles sont aujourd’hui les plus utilisées pour lutter contre la cercosporiose. En l’absence de marqueurs moléculaires de résistance pour cette famille de molécules, des tests biologiques de croissance mycélienne ont permis de calculer pour chaque substance active la concentration qui inhibe la croissance du champignon en comparaison à un témoin sans fongicide. Au sein des prélèvements réalisés, certaines souches du champignon sont très résistantes à une ou plusieurs triazoles. Les résultats montrent également que la majorité des souches présentent une résistance croisée entre les différentes triazoles (une souche résistante à un fongicide a de grandes chances d’être résistante à un autre fongicide de la même famille). Au sein d’une même parcelle de betteraves, il existe différentes spores qui ont des signatures génétiques différentes et donc un niveau de résistance différent aux matières actives fongicides. C’est donc la proportion de spores résistantes dans chaque parcelle qui est analysée. Cela signifie que la performance des produits peut varier d’une parcelle à une autre, selon la structure des populations de C. beticola présentes. Concernant la molécule difénoconazole qui est la triazole la plus utilisée en fongicide betterave, 26,7 % des spores testées présentent un niveau de résistance élevé. Quant à la matière active tétraconazole, 46,1 % des spores testées ont un niveau de résistance élevée. Il existe une forte variabilité de résultats selon les sites échantillonnés et la pression de sélection exercée sur la parcelle. Lorsqu’un mode d’action est utilisé chaque année et plusieurs fois dans la même parcelle, le risque d’augmenter la proportion d’individus résistants est fort. L’arrivée de variétés très tolérantes à la cercosporiose facilite dans ces situations la protection de la culture.

Pouvoir pathogène des souches

Différents indicateurs ont été mesurés et corrélés entre eux. Le premier est la production de cercosporine, toxine produite par le champignon et responsable de la formation des nécroses sur les feuilles. Le test a l’avantage d’être rapide. La concentration en cercosporine des 100 souches de la collection de référence est représentée en figure 3. La corrélation avec les symptômes sur plantes a ensuite été analysée.

Pour cela, les betteraves sont cultivées sous serre et les champignons sont placés dans une chambre de culture. Des souches avec des concentrations variables en cercosporine ont été sélectionnées. L’inoculation est réalisée par pulvérisation de spores et de fragments de mycélium et les symptômes sont observés 3 semaines après inoculation. Le nombre de lésions et la surface des lésions sont évalués automatiquement par analyse d’images, à l’aide d’un algorithme développé dans le cadre du projet. Les résultats montrent une corrélation positive entre la production de cercosporine et la quantité de symptômes observés sur feuilles.

Il existe une forte variabilité de pouvoir pathogène parmi les souches de C. beticola. La figure 5 montre les symptômes 3 semaines après inoculation pour 2 souches différentes.

Perspectives

Une évaluation de la sensibilité de différentes variétés va être conduite prochainement en présence d’un panel de souches plus ou moins agressives. Elle enrichira le système d’évaluation au champ. Des produits de biocontrôle vont également être testés. En complément, une analyse de l’expression de gènes de défense de la plante est en cours sur une variété sensible et sur une variété tolérante afin d’identifier des marqueurs moléculaires de tolérance. Le profil des métabolites produits par les plantes est aussi étudié pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le processus infectieux et les réactions de défense de la plante. Les résultats de ces analyses seront disponibles dans un an.

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Le projet SUGAR est coordonné par l’ITB. Il bénéficie de la contribution financière du compte d’affectation spéciale de développement agricole et rural CasDar du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Une collection de souches de référence de C. beticola a été constituée.

La variabilité génétique des souches est forte au sein du territoire.

Un protocole d’évaluation du pouvoir pathogène des souches en conditions contrôlées a été mis au point.

L’évaluation de variétés et de produits de biocontrôle va bientôt démarrer.