Y aura-t-il encore de la pomme de terre dans les Hauts-de-France dans 30, 50 ou 70 ans ? S’appuyant sur les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Serge Zaka, agro-climatologue, a présenté lors de la conférence annuelle de la CGB Nord-Pas-de-Calais du 16 mai ses hypothèses de prévisions.

«L’année 2022 est assez représentative de ce que sera une année “normale” en 2055», estime Serge Zaka. Seconde année plus chaude depuis 1900, avec 14,5°C, elle inclut un gel remarquable, suivi d’une sécheresse historique, de trois canicules (juin, juillet et août) et d’une douceur hivernale. Il s’agit de la seconde année la plus sèche (après 1989) avec une diminution de 25 % de pluviométrie.

En 2022, presque toutes les cultures de printemps ont subi des baisses de rendement dans les Hauts-de-France. La pomme de terre enregistre 8,9 % de chute de rendement dans le Nord-Pas-de-Calais et 12,8 % en Picardie, par rapport à la moyenne sur 5 ans. Soit le plus bas rendement depuis 1995. En Picardie, il s’agit de la culture, hors fourrage, la plus impactée. Les pertes sont estimées à 200 millions d’euros.

Toutes les prévisions du GIEC tablent sur une hausse des températures (1). Dans le scénario le plus pessimiste (+4°C de température par rapport à aujourd’hui), «certaines canicules pourraient durer jusqu’à 3 semaines en 2100», estime l’agro-climatologue. Ce qui induira des arrêts de croissance de nombreuses cultures. Si le nombre de jours supérieurs à 35°C devrait augmenter, les stress thermiques supérieurs à 41 °C devraient, toutefois, rester rares.

Un tubercule a une température optimum de croissance de 30,6°C

La pomme de terre dispose d’une température optimale de croissance de 30,6°C, proche du tournesol (29,3°C), du haricot (30,7°C), du maïs (30,8°C) et du riz (30,9°C). Elle est plus adaptée aux hausses de chaleur que le colza (23,1°C), la betterave (25,3°C), l’orge (26,5°C) ou le blé (27,7°C). Sa température minimale est de 5°C. Et sa croissance décroît au-dessus de 35°C.

Victime du stress hydrique et de la disponibilité en eau

Autre facteur limitant, l’eau et le stress hydrique. Si la pluviométrie annuelle ne va a priori pas changer dans le nord de la France (légère augmentation) avec l’évolution climatique, elle sera très inférieure l’été. Ce manque d’eau estival se conjuguera à une hausse de l’évapo-transpiration. Avec comme conséquence, un fort stress hydrique et une hausse de la demande d’irrigation. Ces sécheresses seront très pénalisantes, le stress hydrique et thermique réduisant la taille des tubercules.

Si le rendement des pommes de terre a triplé de 1961 à 2015 au niveau français, grâce au progrès génétique (tolérance au stress hydrique et résistance aux ravageurs, amélioration des techniques culturales), il a tendance à diminuer depuis, à cause des incidences climatiques (chaleur supérieure à 30°C et sécheresse). Les prochains défis climatiques nécessiteront de nouveaux progrès techniques et technologiques pour garder cette culture emblématique des Hauts-de-France.

____________

Les chercheurs s’appuient sur trois scenarii. Une politique climatique visant à faire baisser les concentrations en CO2 et limitant l’augmentation de la température à 1,5°C (RCP2.6). Une politique visant à stabiliser les concentrations en CO2 (RCP4.5), qui aboutirait à une augmentation de 2°C et enfin un scénario sans politique climatique qui engendrerait une progression supérieure à 4°C (RCP 8,5). Pour mémoire, la température française a déjà augmenté de +1,7°C depuis 1959.