La Stratégie Nationale Bas Carbone a fixé au secteur du sucre un objectif de réduction d’émissions de CO2 de -81 % en 2050 par rapport à 2015. Les 20 sucreries françaises émettaient 2,5 Mt de CO2 entre 2015 et 2019, ce qui représentait 3 % des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie française.

Sur quelle partie du process intervenir ? Une grande part des émissions (77 %) est générée par l’utilisation de gaz qui alimente les centrales de cogénération produisant la vapeur et l’électricité nécessaire aux usines. Les deux autres grands blocs émetteurs de carbone sont la déshydratation de pulpe (16 %) et le four à chaux (7 %).

En 2015 – période de référence – les chaudières des sucreries françaises utilisaient le gaz (80 %), le charbon (15 %) et le fioul (5 %). La déshydratation utilisait du charbon (80 %) et du gaz (20 %), alors que les fours à chaux fonctionnaient tous au charbon. À noter que, depuis 2015, plusieurs sucreries sont passées au gaz, et que les déshydratations se sont tournées vers la biomasse.

Efficacité énergétique et électrification

Les principaux leviers identifiés pour décarboner la sucrerie sont : l’efficacité énergétique et l’électrification de tous les blocs, la décarbonation de la centrale de cogénération, de la déshydratation et de la production de chaux.

Pour la centrale de cogénération, il s’agit par exemple de remplacer le gaz, le charbon ou le fioul par de la pulpe ou du bois énergie. La pulpe déshydratée (88 % de MS) utilisée en combustion couvrirait, en théorie, 90 % du besoin.

L’autre solution est l’installation d’une unité de méthanisation alimentée par des pulpes, des herbes et radicelles et des eaux de lavage. Dans ce cas, il s’agirait de pulpe surpressée (28 % de MS), qui permettrait de couvrir 60 % du besoin énergétique de la sucrerie, selon l’Ademe.

La méthanisation pourrait se faire sur le site de la sucrerie ou en dehors avec des porteurs de projet agricole, par le biais de contrats long-terme de biométhane.

Une réduction de gaz à effet de serre de -96 % en 2050

Le scénario « autonomie énergétique par la combustion des pulpes » amène une réduction de gaz à effet de serre de -96 % en 2050 par rapport à 2015. Cela va nécessiter des investissements à hauteur de 2,5 Mds €, qui s’expliquent essentiellement par le passage de chaudières à gaz vers la biomasse.

Le scénario qui fait intervenir la méthanisation externalisée demande moins d’investissements, ceux-ci étant supportés par d’autres porteurs de projet, mais il induit une augmentation des coûts de production, puisqu’il faudra acheter l’énergie à l’extérieur.

Selon l’Ademe, il est possible de diviser par deux les émissions entre 2015 et 2030 par la suppression de l’utilisation du charbon dans la filière, en améliorant l’efficacité énergétique et en électrifiant partiellement les sucreries. Il faudra donc mettre en place des dispositifs de soutien au prix de l’électricité, en tenant compte du caractère saisonnier de la transformation de la betterave entre septembre et janvier, des périodes où il y a des pics de consommations d’électricité.

Après 2030, on pourra rechercher l’autonomie énergétique par la mobilisation de la pulpe, mais en faisant attention à la durabilité de celle-ci en tant que ressource énergétique, notamment vis-à-vis de la filière animale.

Témoignages

La pulpe, un facteur puissant de décarbonation

Christian Spiegeleer, président de Syndicat National des Fabricants de Sucre (SNFS)

« La recherche d’optimisation énergétique est très ancienne dans les sucreries (…) On est au commencement d’un changement de paradigme majeur même si le process sucrier restera fondamentalement ce qu’il est : il n’y a pas de saut technologique pour extraire le sucre de la betterave. » Concernant l’utilisation de la pulpe, Christian Spiegeleer y voit « un parallèle avec la bagasse pour bâtir une stratégie cohérente par rapport à nos concurrents. Comme la bagasse en canne, la pulpe appartient, par défaut, au sucrier puisque c’est un résidu de l’extraction du sucre. On voit la pulpe de betterave comme un facteur puissant de décarbonation de notre process. »

Garantir l’accès de la biomasse sur le long terme

Romain Rossi, responsable du pôle énergies et durabilité de Tereos

« Il faut d’abord réduire la consommation avant d’utiliser la biomasse ou les pulpes : on capitalise sur la modification de process, la récupération de chaleur, l’électrification. Chez Tereos, on va avoir une puissance de raccordement multipliée par quatre. Le renforcement des réseaux électriques demande des investissements lourds. » Romain Rossi insiste sur le besoin de financements publics pour accompagner les investissements. Concernant la biomasse, « on doit clarifier le cadre de développement de la méthanisation ». Et voir « comment garantir l’accès de la biomasse sur le long terme. »

Selon la CGB : la sucrerie devra verser une compensation pulpe au planteur

Un des scénarios consiste à utiliser les pulpes en combustion dans les sucreries. C’est le scénario le plus coûteux en investissements (2,5 Md€ pour la filière), mais c’est celui qui affiche un coût de production de sucre le plus faible. Et pour cause, les pulpes ne seraient pas payées aux planteurs ! Timothé Masson, économiste à la CGB, invite à intégrer la valeur de la pulpe dans l’équation économique : « En effet, dans la réglementation communautaire (annexe X du règlement OCM), il est notifié l’obligation de payer, aux planteurs, une compensation au titre de la pulpe, qui tienne compte de la valorisation de cette pulpe, indépendamment du prix de betterave et indiqué de manière distincte. La sucrerie devra donc continuer à verser une compensation pulpe au planteur – quand bien même la réflexion sur la manière de calculer cette compensation (lorsqu’elle n’est plus une source de revenu mais une source d’économie) mérite d’être creusée. C’est le cas dans plusieurs pays canniers, où la rémunération de la bagasse passe par le calcul des économies réalisées en fuel en sucrerie. »

9 secteurs concernés

Les Plans de Transition Sectoriels concernent 9 secteurs représentant près de deux tiers des émissions de CO2 de l’industrie : acier, ciment, papier-carton, éthylène, sucre, chlore, aluminium, verre et ammoniac.