Dès le début de printemps, la pluie a gêné les semis. Ceux-ci s’étalent donc sur une période 3 mois (de fin février à fin mai) sur un axe sud-nord, avec une date médiane au 9 avril, le week-end de Pâques. Les levées et le développement ont ensuite été rapides.

La pluviométrie des mois qui ont suivi a facilité les désherbages (figure 1). Des désherbages mécaniques ont pu être réalisés pour parfaire la propreté des parcelles, à partir de la mi-mai. Ainsi, si les pluies de l’été ont permis la levée de nouveaux chénopodes, ceux-ci ont pu être détruits par des passages de désherbeuse à roue. Les chénopodes restent l’adventice la plus présente en 2023. Et le désherbage des graminées est globalement satisfaisant cette année (voir page 2 du cahier technique).

Des richesses décevantes

Depuis 2021, l’ITB constate des richesses décevantes. L’explication est multifactorielle :

– l’excès d’azote,

– le climat de la fin d’été (humidité, chaleur) qui favorise une minéralisation tardive,

– un défaut d’ensoleillement sur le début d’été,

– l’excès de température nocturne en fin d’été,

– la défoliation par la cercosporiose.

Il est impossible d’agir sur le climat, mais pour maintenir un bon niveau de richesse, il est important de respecter les doses d’azote conseillées, et de bien gérer la cercosporiose.

TASSEMENT

Un risque de tassement profond à la récolte

Les chantiers d’arrachage ont cette année été réalisés dans des sols particulièrement humides. Dans ces conditions, et avec les charges à l’essieu importantes que peuvent atteindre les intégrales (plus de 10 t à la roue à pleine charge), le risque de tassement de sol est important. Toutefois, ces machines ont cette année été parfois les seules capables d’arracher les betteraves avec les conditions dégradées, ce qui a permis un approvisionnement constant des sucreries.

Le plus préjudiciable est le tassement en profondeur car celui-ci n’est pas rattrapable par du travail mécanique et engendre des conséquences agronomiques sur le long terme. Il n’est toutefois pas une fatalité. En commençant par bien réfléchir à l’organisation du chantier et en mettant en place certains leviers, l’effet de celui-ci peut être fortement limité à l’échelle de la parcelle.

L’enjeu majeur est de limiter la surface tassée dans la parcelle. Pour cela, il convient de bien réfléchir à la circulation de l’intégrale, surtout lorsque celle-ci est à pleine charge. En lui offrant des possibilités de vidanges régulières par l’ajout d’un silo et/ou d’une benne, la machine évite les longs trajets dans la parcelle avec des charges importantes.

En conditions très humides, il faut également privilégier la conduite roues dans roues plutôt que la marche en crabe. En effet, les études ont montré que c’est la charge du premier passage de roues qui fait le tassement en profondeur, les autres passages n’auront qu’un effet de déformation en surface. Avec des essieux décalés et des roues qui roulent sur toute la largeur de la machine, la surface tassée en profondeur de la parcelle est donc plus importante.

Enfin, l’idéal, bien que cela soit parfois compliqué à mettre en œuvre (comme dans le cas de cette année 2023), reste d’attendre des conditions d’arrachage sèches et un sol bien ressuyé.

DÉSHERBAGE

L’arrivée de la technologie Smart

En 2023, la technologie Smart a été implantée sur 3000 hectares. Les résultats montrent une très bonne efficacité du programme à la condition d’attendre les 2 feuilles vraies du chénopode, ce qui constitue un réel changement des pratiques. Tous les segments de marchés sont couverts par les variétés Conviso, mais celles-ci restent moins productives que les autres variétés du marché (4 % en moins par rapport au témoin).

La technologie Smart permet de désherber en 2 passages en associant l’herbicide Conviso One à 0,5 l/h à des partenaires (1 ou 2 matières actives différentes) ayant des modes d’action HRAC différents pour garantir l’efficacité ainsi que la durabilité de cette technologie. Les IFT sont alors réduits de 4,5 à 2.

La technologie Smart est à réserver aux situations d’enherbement fort, notamment avec présence de betteraves adventices, de chénopodes. En cas de présence de graminées résistantes aux sulfonylurées, cette technique est à proscrire (à confirmer par un test Herbisecur).

Toutes les betteraves montées de ces parcelles doivent être éliminées.

La technologie est disponible pour environ 10 à 12 000 hectares en 2024.

Comment maîtriser les ombellifères en 2024 ?

Le climat et l’application des produits recommandés ont permis un bon contrôle des ombellifères en 2023.

Le désherbage des ombellifères et particulièrement des Ammi majus, n’est pas complexe quand il est prévu. En effet, peu de matières actives sont efficaces sur les plantes déjà présentes ; il faut donc anticiper la présence de ces adventices. La connaissance des parcelles est un gage de réussite pour cette lutte.

En cas de présence antérieure d’Ammi majus, le recours à une pré-émergence à base de produits associant du quinmérac et de la métamitrone est sécurisant. En effet, si les conditions météorologiques sont favorables (application le jour du semis, sur sol humide et maintien de cette humidité), l’efficacité sera proche de 100 % en appliquant la pleine dose de pré.

L’utilisation de doses réduites en pré-émergence permet de limiter le coût du désherbage de pré, mais nécessite un relais en végétation avec des produits contenant du quinmérac ou du triflusulfuron (encore utilisable en 2024). Ces relais doivent être appliqués le plus tôt possible au sein des programmes de post-émergence.

En cas de présence d’Aethusa, la lutte est moins complexe, des associations de clomazone avec du triflusulfuron sont en mesure de contrôler cette adventice en post-émergence.

GRAMINÉES

Diversifier le désherbage pour lutter contre les résistances

Les graminées ont été globalement bien contrôlées en 2023 (seules 3 % des parcelles enquêtées par l’ITB sont considérées comme sales par rapport au 10 % des années antérieures) ; néanmoins, l’augmentation des populations de graminées résistantes, l’absence de nouveaux modes d’action et les évolutions réglementaires obligent à diversifier les moyens de lutte.

En 2023, un essai de désherbage mécanique combiné a été mis en place en Normandie sur ray-grass. Cet essai avait pour objectif de venir compléter l’efficacité des herbicides avec du mécanique. Deux matériels ont été testés : la herse étrille (avec réglages des dents par ressort) et la bineuse. La herse étrille a été utilisée au stade 8 feuilles des betteraves et un passage de bineuse a ensuite été réalisé en complément. Le programme herbicide présente une efficacité de 77 %, la modalité qui combine “herbicides + herse étrille + bineuse” permet d’atteindre une efficacité de 99 %. Les travaux d’expérimentation dans les prochaines années permettront de confirmer ces résultats.

Globalement, le contrôle des graminées (ray-grass, vulpin), en présence de résistance, demande une adaptation du programme herbicide. L’utilisation de différents modes d’action est une nécessité pour la recherche d’efficacité et aussi pour limiter le développement de la résistance. En 2024, il sera encore possible d’utiliser du Mercantor Gold ou de l’Avadex 480 au semis. En post-levée, pour améliorer le contrôle des graminées, il est conseillé d’augmenter la dose de l’antigraminée foliaire (ex : Centurion 1,25 l/ha) et de le mélanger avec de l’Isard 0,6 l/ha. Les adjuvants sont aussi des leviers pour favoriser l’efficacité. Le mélange “huile (ex : Actirob B 2 l/ha) + sulfate d’ammonium (ex : Actimum 1 l/ha)” constitue la meilleure adjuvantation.

CERCOSPORIOSE

L’année marquée par la maladie fongique

L’ensemble du territoire a été concerné par la cercosporiose en 2023. Les premières taches sont apparues dès la fin du mois de juin, dans le sud de Paris et en Champagne, et ont entraîné le déclenchement des traitements. La maladie est restée présente toute la campagne, mais a été contenue par les traitements fongicides.

Le développement tardif aura malgré tout impacté négativement le potentiel de rendement pour les arrachages au-delà du 15 octobre. Les écarts de richesses dans les essais fongicides de l’ITB varient de 0,4 à 2 points en fonction des sites.

Même si l’évolution des maladies reste hétérogène et dépendante des conditions agro-climatiques propres à chaque parcelle, la pression de l’année peut être qualifiée de forte. En effet, l’alternance de chaleur et d’humidité durant l’été, et des températures particulièrement clémentes à l’automne favorisent les cycles du champignon.

De plus, l’humectation permanente a été idéale pour le développement des symptômes.

Les repousses provoquent une mobilisation des réserves saccharines pour refaire le bouquet foliaire.

Rappel des moyens de lutte contre la maladie

Pour contrôler efficacement la cercosporiose en 2024, différents leviers sont identifiés : le choix variétal, la protection fongicide et les mesures de prophylaxie.

L’orientation variétale est un levier majeur et prioritaire de l’itinéraire cultural. Il est essentiel d’adapter la sensibilité au risque parcellaire et notamment à la date de récolte envisagée. Des dates de récolte postérieures au 20 octobre imposent le choix d’une variété tolérante pour maîtriser le développement de la maladie.

L’ITB accompagne les agriculteurs dans cette démarche en fournissant un indicateur de sensibilité aux maladies du feuillage pour chacune des variétés recommandées par la filière.

L’ensemble des génétiques sont ainsi mises à l’épreuve au travers d’observatoires en conditions de développement naturel de la maladie. Les notations effectuées régulièrement durant la période estivale permettent de classer les variétés selon 3 niveaux : sensibles, neutres et tolérantes.

Pour le créneau rhizomanie, l’offre en variétés tolérantes se renforce chaque année. Une nouvelle génération de variétés très tolérantes apparaît et devrait permettre de limiter le nombre d’interventions fongicides ou de maximiser la productivité en situation de forte pression.

Pour le créneau nématodes, l’offre en variétés tolérantes est plus restreinte. Il convient alors de s’intéresser au niveau de sensibilité des variétés neutres afin d’identifier les plus performantes.

Le deuxième levier est la protection phytosanitaire. L’Outil d’aide à la décision (OAD) Alerte Maladies gratuit, disponible sur le site de l’ITB, permet de déclencher les traitements en tenant compte des seuils. Il est important de traiter au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard. L’Airone SC (cuivre) renforce l’efficacité des produits à base de triazole de l’ordre de 10 à 50 % et permet de gagner en persistance. Ayant un mode d’action multisites, il diminue le risque de résistance par rapport aux autres molécules chimiques. Son efficacité est peu dépendante des conditions climatiques, contrairement à d’autres formulations, car l’Airone SC est peu sensible au lessivage. Attention, il n’est pas recommandé de l’appliquer seul car son efficacité se limite uniquement à la cercosporiose. La dose de cuivre à appliquer est de 2,75 l/ha (soit 750 g/ha), l’augmentation de dose n’apporte pas une meilleure efficacité. En revanche, appliquer un grammage inférieur a un impact négatif sur l’efficacité et la rémanence. Le cuivre peut être utilisé à tous les passages en respectant la dose maximale de 2 kg par hectare en cumulé.

En complément, des méthodes prophylactiques peuvent être mise en œuvre pour réduire la quantité d’inoculum présente dans l’environnement de la parcelle, facteur important dans la dissémination primaire de la maladie :

– La gestion des cordons de déterrage de l’année passée est déterminante. Il est recommandé d’épandre les résidus dans la parcelle d’où ils proviennent et sur un maximum de surface pour diluer l’inoculum. Le bâchage des cordons peut être une solution temporaire afin d’éviter la dissémination des spores au printemps.

– L’enfouissement profond des résidus de récolte dans le sol limite la concentration d’inoculum en surface et réduit le risque d’exposition aux fortes pressions.

– Il est recommandé de ne pas éjecter ni projeter les résidus de culture par effeuillage sur une parcelle voisine, implantée en betteraves l’année suivante.

– Les épandages d’effluents agro-industriels, source potentielle de contamination, sont à éviter juste avant une culture de betterave.

– L’allongement et la diversification des rotations permettent de créer des ruptures dans le cycle de développement de cette maladie cryptogamique.

Toutes ces points de vigilance contribuent à une gestion durable de la maladie et permettent la baisse des réservoirs de virus de la jaunisse.

JAUNISSE

La jaunisse globalement maîtrisée

En 2023, la vigilance a permis de limiter la pression jaunisse : le réseau Alerte Pucerons a été mis en place à cet effet, dès le printemps. Dans plus de 90 % des parcelles, l’objectif est atteint. Seul, le département d’Eure-et-Loir a été de nouveau confronté tardivement à la jaunisse virale, avec des symptômes qui apparaissent au 25 juin et une gravité qui augmente durant tout le mois de juillet. Face à cette situation répétitive, une analyse approfondie a été mise en place dès la période estivale. Elle est basée sur l’estimation de la jaunisse par satellite sur l’ensemble des parcelles du département, complétée par des enquêtes sur l’itinéraire cultural des agriculteurs.

Des mesures spécifiques d’accompagnement vont être proposées dès 2024. Elles découleront directement des travaux issus du PNRI et seront partagées par l’ensemble des acteurs des filières betteraves, industrielles et semencières qui cohabitent dans ces mêmes zones de production.

Lancement du PNRI-C

FranceAgriMer accompagne de nouveaux projets de recherche et d’innovation relevant de la lutte contre les jaunisses de la betterave. Cette aide prend la suite du PNRI lancé en 2020. Le nouveau dispositif « PNRI-C » (PNRI consolidé) est doté d’une enveloppe de 3,6M€.

Cette nouvelle phase doit ouvrir à la consolidation des connaissances acquises sur la période 2020-2023, et à de nouvelles recherches nécessaires pour finaliser l’opérationnalisation des solutions à proposer aux planteurs pour protéger les cultures de betteraves contre les jaunisses virales.

Plus d’informations sur cet appel à projets sur les sites internet de FranceAgriMer et de l’ITB.