Selon l’USDA (ministère américain de l’Agriculture), la Russie gagne des parts de marché en Afrique du Nord, en Arabie saoudite et dans d’autres pays aux dépens de l’Union européenne. L’institution a révisé à la baisse les exportations européennes de 2 millions de tonnes (Mt) à 32,5 Mt, alors que la Fédération de Russie parviendrait finalement à en vendre jusqu’à 52 Mt.
« Au cours de la campagne de commercialisation, les expéditions européennes vers l’Afrique du Nord ont diminué de 25 % par rapport à la même période de l’année dernière et celles vers le Moyen Orient, de 60 % », mentionne l’institut américain.
En 2019-2020, l’Arabie saoudite et l’Algérie achetaient plus de 95 % de leur blé importé en Union européenne. Mais comme le royaume s’est donné les moyens depuis la crise de la Covid de produire plus de céréales sur son sol, il en importe moins et surtout, il privilégie l’origine russe aux dépens de l’UE. Celle-ci a perdu en deux-trois ans plus de la moitié de ses parts de marché.
En Algérie, les meuniers ont fait pression auprès de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) pour avoir accès au blé russe meilleur marché. Aussi ce dernier a modifié son cahier des charges en relevant le seuil d’infestation par les insectes pour que la Russie réponde aux appels d’offres algériennes.
En UE, l’Ukraine évince les pays membres exportateurs, et notamment la France, du marché intérieur. Les 5 Mt de blé et les 730 000 t d’orges importées d’Ukraine sont autant de grains qui ont échappé aux Vingt-sept. La France ne vendrait que 9,2 Mt de blé et d’orges à ses voisins européens selon FranceAgriMer, soit 1,9 Mt de moins qu’escompté en début de campagne.
Depuis une quinzaine de jours, le prix de la tonne de blé à Rouen oscille autour de 190 € sous l’influence de la Russie très présente en cette fin de campagne.
« Pour sa part, l’orge profite encore d’une bonne compétitivité dans les rations et de quelques débouchés vers la nutrition animale française et du Nord de l’UE, analyse le Crédit Mutuel. Les chargements à destination de la Chine animent encore l’activité portuaire ». En un mois, la tonne de grains a gagné 10 € et se rapproche du seuil de 180 €.
Mais les cours des grains évoluent aussi en fonction des conditions de cultures des céréales d’hiver observées dans les grands bassins céréaliers de l’hémisphère nord.
Aux Etats-Unis, le potentiel de production des cultures de blé est bon. En Russie, Sovecon.ru rapporte que le manque de précipitations dans les plaines céréalières inquiète. A la fin du mois de mars, l’institut tablait sur une production de blé d’hiver de 68,2 Mt et de blé de printemps de 25,7 Mt. Le potentiel de production était alors équivalent à celui de l’an dernier.

Vers une petite récolte en France

En France, seules 64 % des conditions de cultures du blé sont bonnes ou très bonnes, soit 30 points de moins que l’an passé selon l’observatoire Céré’obs de FranceAgriMer. Pour l’orge, le taux est de 67 % (- 25 % sur un an). Par ailleurs, des centaines de milliers d’hectares de céréales d’hiver en moins ont été emblavés dans l’hexagone.
Selon le prévisioniste Ukragrocounsult, Stratégie grains évalue la prochaine production européenne de blé à 121,8 Mt. Elle serait inférieure de 12 Mt (- 3 %) à celle récoltée l’été dernier. Pour l’orge, l’estimation est de 52,5 Mt (+ 5Mt) mais la récolte française de céréales d’hiver pourrait diminuer dans des proportions bien plus importantes.
Mais que pèsera une médiocre récolte française de blé et d’orges l’été prochain sur le marché mondial des céréales ?
Dans l’hémisphère sud, l’El Nino impacte les conditions de cultures. Le Brésil récolterait 111 Mt de maïs selon le Conab alors que l’USDA maintient sa prévision à 124 Mt. En Afrique du sud, les Boers n’ont récolté que 14 Mt de maïs (versus 17 Mt en 2023) car les plantations ont manqué d’eau.