« Pour produire des cultures porte-graines, il est indispensable de choisir des parcelles indemnes de graminées adventices, sinon c’est voué à l’échec », prévient Thibaut Janson, multiplicateur de semences dans la Marne. Ces productions font l’objet d’un contrat avec les établissements semenciers dans lequel l’agriculteur multiplicateur s’engage à suivre un cahier des charges pour fournir des semences pures et certifiées par l’interprofession des semences Semae.

Une des meilleures marges de l’exploitation

Thibaut Janson sème ses fétuques porte-graines au semoir à céréales sous couvert de pois de printemps. Il souligne que « cette association est vertueuse car une fois les protéagineux récoltés, la graminée profite de la décomposition des nodosités riches en azote pour se développer ». Pendant sa pousse active, la fétuque est désherbée mécaniquement avec une herse (étrille ou à dents droites) puis broyée pour favoriser une repousse homogène et une floraison régulière qui facilite la récolte l’été suivant. « Laissée deux ans en place, cette culture assure une couverture du sol et apporte de la matière organique grâce à son importante biomasse », explique l’agriculteur. La production de ray-grass anglais porte-graines paraît plus délicate. Avec l’expérience, il préfère le détruire au bout d’un an de production. Ainsi, il évite de trop fortes infestations de rongeurs qui ravagent tout malgré le passage régulier de la herse étrille et l’installation de nombreux perchoirs à rapaces. « La pression des souris et des adventices ainsi que le climat (sec ou humide) et l’égrenage à la récolte rendent aléatoire la productivité de ces cultures, indique l’agriculteur. En revanche, lorsque tous les voyants sont au vert, elles font partie des meilleures marges de l’exploitation. Elles restent cependant risquées car parfois on ne récolte rien. Il faut donc lisser les revenus sur cinq, voire six années. »

Rigueur lors de la récolte, du séchage et du stockage

Thibaut Janson travaille avec deux autres agriculteurs avec qui il a créé une SEP (société en participation). Thibaut Janson détient tout son matériel en CUMA ou en copropriété.

Pour éviter tout risque de mélange de semences, tous trois sèment les mêmes variétés de porte-graines (fétuque RAGT Nouga et ray-grass RAGT canaveral). La fétuque, plus précoce, est généralement récoltée avant les autres cultures porte-graines. « Il faut savoir interrompre la récolte des céréales et suivre une logique stratégique pour récolter les graminées à la bonne maturité et avant leur égrenage », prévient Thibaut Janson. Les unes après les autres, elles sont séchées, stockées puis livrées à un taux d’humidité de 12 % (compris entre 30 et 35 % à la récolte). « Plus les conditions climatiques sont humides, plus il faut remuer le tas pour le sécher et éviter sa prise en masse », précise Thibaut Janson. Dans son cas, il est équipé de gaines ventilées en demi-lune. Depuis toujours, il remue le tas à la pelle avec l’aide précieuse de sa famille et de ses amis. « Ce système devient fastidieux, convient-il, d’autant plus que les porte-graines représentent actuellement 15 % de ma surface agricole utile (SAU) et donc des volumes importants à manipuler. » Avec la création de la SEP, il espère investir dans un hangar équipé de gaines de ventilation. La réflexion est en cours.

Des cultures vertueuses

Thibaut Janson apprécie de cultiver des plantes multi-services, vertueuses et à faibles intrants : le sainfoin en raison de ses qualités nutritionnelles pour les abeilles et les animaux (bouchons déshydratés) ; le chanvre, alternative écologique, qui s’utilise aussi bien dans le bâtiment, la plasturgie ou le textile ; mais aussi les graminées porte-graines qui contribuent à la réduction des IFT (Indice de fréquence de traitement) et au stockage de carbone dans le sol. « Ces cultures vont dans le sens de mes convictions, car elles répondent aux enjeux agronomiques et environnementaux d’une exploitation ainsi qu’aux attentes sociétales », explique l’agriculteur.