L’utilisation de l’acétamipride a été débattue début mai à l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, appelée aussi PPL Duplomb-Menonville.
L’examen par la Commission des affaires économiques, les 14 et 15 mai, a été crucial pour l’avenir de l’article 2 (sur la réautorisation de l’acétamipride), qui intéresse les betteraviers et une dizaine d’autres filières (semences, fruits et légumes, pommes de terre, noisettes, kiwi, pêches…). Bonne surprise pour les filières agricoles : les députés de cette Commission ont adopté l’article 2, alors que leurs collègues de la Commission du développement durable l’avaient rayé une semaine plus tôt. Heureusement, la Commission du développement durable n’était saisie que pour avis, et non pas au fond, sur cet article. Sa position n’avait donc pas vraiment de conséquence pour la suite des débats. Elle avait quand même fait réagir la FNSEA et les JA, qui avaient crié à la « trahison des députés de la Commission du développement durable » dans un communiqué daté du 7 mai. Les deux syndicats avaient appelé « leurs réseaux à se mobiliser pour aller à la rencontre de l’ensemble des députés pour les convaincre de revenir à la raison ».
Dérogation pour 3 ans renouvelables
Concernant l’article 2, le principal changement par rapport au texte proposé par le Sénat est l’introduction d’une durée de trois ans renouvelables en cas d’utilisation dérogatoire de l’acétamipride. On peut aussi regretter un amendement sur les restrictions culturales, alors que des évaluations de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) relèvent l’absence de résidus de ces matières actives dans les cultures suivantes. Cette disposition est donc une aberration agronomique !
Le sujet de l’Anses a aussi été très débattu. La Commission des Affaires économiques a adopté un amendement de suppression des alinéas portant réforme de la gouvernance de l’évaluation des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires, qui consistait notamment à créer un comité d’orientation, incluant les professionnels. L’information préalable des ministères de tutelle sur les demandes d’agrément d’un produit phytosanitaire a aussi été rejetée. Dommage car cela instaurait une certaine transparence de la part de l’Anses, particulièrement sur les raisons amenant à une décision négative.
Les débats ont aussi accouché de quelques étrangetés, comme cet amendement de David Taupiac (Liot) qui propose d’établir un mécanisme d’indemnisation pour les agriculteurs subissant des pertes significatives, suite au retrait de produits phytosanitaires. À première vue, une aubaine pour les agriculteurs, mais qui pourrait coûter cher au contribuable si elle était maintenue !
CMP début juin
Tout se jouera maintenant en séance plénière à partir du 26 mai, avec une prolongation possible les 30 mai et 1er juin.
Le risque est de voir surgir des amendements qui affaibliraient le texte adopté par le Sénat, en ajoutant encore davantage de contraintes à l’utilisation de ces matières actives interdites en France (par exemple une limitation dans le temps ou à certaines productions, l’absence totale d’alternative disponible, sans en apprécier l’efficacité, le conditionnement à une impasse économique et à une perte de rendement très importante…). Le diable est dans les détails !
Pour la filière betterave, l’enjeu est de pouvoir réellement utiliser l’acétamipride ou la flupyradifurone en cas de besoin.
On n’échappera donc pas à une Commission mixte paritaire (CMP) composée de sept députés et sept sénateurs, qui devrait se dérouler début juin. L’affaire n’est donc pas encore bouclée !