Pour : 316 voix. Contre 223. Le 8 juillet, la proposition de loi visant à lever les contraintes pesant sur le métier d’agriculteur a été largement adoptée par les députés des groupes EPR, Démocrates, Liot, Horizons, Droite Républicaine, UDR, et RN. Selon les syndicats agricoles majoritaires, cette loi répond enfin aux principales attentes exprimées lors des manifestations de l’hiver 2023-2024. Elle vient compléter la loi d’orientation du 24 mars 2025 pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
« Le bon sens a pris le dessus », se félicite Franck Sander, président de la CGB. Avec ses collègues présidents des Associations spécialisées (AS) de grandes cultures Eric Thirouin (blé), Franck Laborde (maïs), Benjamin Lammert (oléagineux) et Geoffroy d’Evry (Pommes de terre), il rappelle : « il y a deux ans, ces avancées auraient toutes semblé impossibles et pourtant nous y sommes aujourd’hui par la force de notre collectif aux côtés de la FNSEA ! ».
Le vote à l’Assemblée nationale est l’aboutissement d’un long et périlleux parcours législatif. Cette loi a notamment été portée par les sénateurs Laurent Duplomb, Franck Menonville et Pierre Cuypers, et par le député Julien Dive, avec le soutien de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard.
Le tempo s’est accéléré après le vote de la motion de rejet, le 26 mai, à l’Assemblée nationale, qui a envoyé la PPL directement à l’étape de la commission mixte paritaire (CMP). Confrontés à un nombre très élevé d’amendements déposés par les groupes écologistes et LFI, les députés partisans du texte ont en effet eux-mêmes déposé une motion de rejet préalable pour éviter le report de plusieurs semianes des débats à l’Assemblée.
La commission mixte paritaire, composée de 7 députés et 7 sénateurs, est arrivée à un compromis le 30 juin, qui a été facilement voté par le Sénat le 2 juillet. Selon les Jeunes Agriculteurs et la FNSEA, le vote du 8 juillet à l’Assemblée nationale « sanctuarise dans un cadre législatif les attentes des agriculteurs. C’est un premier pas pour relancer notre appareil de production agricole et poser les fondations d’une reconquête de notre souveraineté alimentaire », ont déclaré les deux syndicats.
Le parcours de cette loi n’est pas encore tout à fait terminé : elle doit à présent être validée par le Conseil constitutionnel au cours des prochaines semaines, avant que les textes d’application prévus puissent être publiés.
Retour de l’acétamipride
L’article 2 de cette loi ouvre la voie à l’usage de molécules insecticides interdites en France, mais autorisées par l’Union européenne. C’est le cas de l’acétamipride, qui est autorisée par l’agence sanitaire européenne et dans 26 états membres de l’Union européenne.
Pour la betterave, la ré-autorisation de l’acétamipride et la flupyradifurone sera donc possible, sous conditions, si la filière peut démontrer l’existence d’une menace grave pour la production et l’absence d’alternative efficace, tant sur le plan agronomique qu’économique.
Le texte prévoit aussi des restrictions culturales, dont le détail devra être établi par le ministère de l’Agriculture. Ces dérogations, si elles ne sont plus légalement limitées dans le temps, devront toutefois être réexaminées au bout de trois ans par le conseil de surveillance en charge des néonicotinoïdes (composé de parlementaires, de représentants du monde agricole, des ministères et d’instituts techniques). Le critère de réautorisation prendra en compte la réalité d’une menace grave à laquelle est confrontée la filière, l’absence de solution alternative, et la réalité d’un plan de recherche d’alternative.
De plus, l’État « se fixe pour objectif d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ».
Dès que la loi sera définitivement adoptée, la CGB continuera à démontrer aux pouvoirs publics que la filière betteravière remplit ces critères. En effet, la pression des pucerons reste très forte et entraîne un risque de pertes importantes de rendement causées par la jaunisse.
Fin de la séparation vente-conseil
Toujours en matière de produits phytosanitaires, la loi prévoit de mettre fin à la séparation vente/conseil pour les distributeurs.
Autre point très clivant, le conseil stratégique sur les produits phytosanitaires ne sera finalement pas obligatoire. Toutefois, un module dédié à la « stratégie phytosanitaire » sera ajouté à la formation de renouvellement du Certiphyto.
L’autre point très discuté a concerné l’encadrement de l’Anses dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM). Si l’Anses reste indépendante, elle doit « tenir compte » des circonstances « agronomiques, phytosanitaires et environnementales », qui prévalent sur le territoire national et qui n’ont pas été prises en compte dans l’évaluation effectuée par l’état membre de référence, dans l’examen des demandes de reconnaissances mutuelles.
Stockage de l’eau
Sur le volet de la gestion de l’eau, la loi introduit un « motif d’intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage de l’eau (retenues collinaires et bassines) et les prélèvements d’eau (forages) à vocation agricole. Cette reconnaissance permet de rehausser hiérarchiquement les usages agricoles de l’eau, notamment dans le cadre des contentieux. Les procédures pour réaliser des projets de stockage d’eau seront donc simplifiées et leur réalisation potentiellement facilitée.
Cette loi devrait aussi simplifier l’activité des éleveurs et mieux accompagner les contrôles en matière agricole. Des mesures qui devraient « apaiser les relations entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs ».
En betterave, la loi visant à “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur“ ouvre la possibilité d’utiliser en France par voie dérogatoire, incluant des encadrements d’usages, deux substances actives aphicides pour lutter contre les pucerons vecteurs des jaunisses virales : l’acétamipride et la flupyradifurone.
Pour l’acétamipride, il ne s’agit pas de traitements de semences tels que ceux utilisés jusqu’en 2018, mais d’un traitement en pulvérisation foliaire. La flupyradifurone peut quant à elle être utilisée soit en traitement de semences, soit en pulvérisation.
En matière d’efficacité, les données actuellement disponibles proviennent des autres pays Européens, mais dans des conditions pédo-climatiques pouvant différer des conditions françaises. En effet, l’interdiction d’utiliser ces molécules concernait aussi les expérimentations des instituts, l’ITB n’a donc pu les tester dans nos conditions de cultures françaises.
Si ces substances actives sont utilisables pour contribuer à la lutte contre les jaunisses virales en France en 2026, l’ITB adaptera ses conseils de traitement en fonction des molécules disponibles et des résultats d’expérimentations à sa disposition. Des essais spécifiques seront mis en place dès la prochaine campagne pour produire des références expérimentales propres à nos conditions agro-climatiques. Cette loi ne remet pas en cause les travaux actuels pour déployer de nouvelles solutions pour contrôler les impacts des jaunisses virales sur notre productivité betteravière française.