« Pour la troisième année consécutive nous allons être dans le rouge. En conséquence, il manque 50 000 € dans une ferme moyenne de 135 hectares pour financer la campagne qui s’ouvre. » Lors de la conférence de rentrée de l’Assemblée générale des producteurs de blé (AGPB), le 16 septembre, son président Éric Thirouin, n’a pas caché ses craintes quant à l’avenir économique des exploitations. « Nous nous enfonçons inexorablement sans que personne ne prenne conscience de ce que cela implique pour notre métier », poursuit-il. Selon les chiffres présentés, le résultat courant avant impôts par unité de travail annuel non salarié (RCAI/UTANS) pour 2025 s’établit à -18 100 €/an pour les céréaliers. La moyenne 2015-2025 est de 12 500 €/an.

Un effet ciseaux qui s’installe

Côté rendements, la moisson 2025 renoue avec des chiffres plus habituels (33 Mt de blé tendre récoltés avec une moyenne de 74 qx/ha), après l’année noire 2024. Pas suffisant pour rassurer le président de l’AGPB : « l’effet ciseaux s’amplifie, nous observons un écart de 70 € entre les coûts de production et le prix payé au producteur, souligne Éric Thirouin. Les agriculteurs devraient donc recevoir 230 €/t, compte tenu du prix actuel du blé payé au producteur à 160 €/t.

Alors que depuis deux ans, les contraintes administratives figuraient en tête des préoccupations des exploitants, l’évolution des cours des céréales monte en 2025 sur la première marche du podium, selon le baromètre réalisé par l’AGPB. Face à cette situation, Éric Thirouin regrette l’attentisme de l’État. « Le marasme et l’instabilité politique actuelle nous inquiètent sur la capacité des pouvoirs publics à nous accompagner et nous défendre », explique le président de l’AGPB, qui appelle à la mobilisation le 26 septembre prochain, « pour réveiller l’opinion publique et la société ». Selon lui, 2025 doit être une année décisive pour définir de nouveaux axes stratégiques d’action aux niveaux national et européen.

Activer la réserve de crise

Éric Thirouin explique ainsi avoir écrit à la ministre de l’Agriculture et à la Commission européenne, pour demander l’activation de la réserve de crise. « Cela nous avait été refusé l’année dernière car la Commission estimait qu’il ne s’agissait pas d’un problème de marché mais de rendement », précise le président de l’AGPB. L’organisation plaide également en faveur de la revalorisation du prix d’intervention européen, identique depuis 2001 ; d’une hausse de 50 % du budget de la Pac, alors que les aides aux céréaliers ont été divisées par deux depuis 20 ans ; et à la levée totale des taxes sur les engrais américains, comme proposé par la Commission européenne. L’AGPB a enfin intégré des groupes de réflexion sur la mise en place de stockage stratégique pour l’alimentation. « Nous avons poussé pour faire partie des discussions, cela nous paraît être un sujet essentiel », conclut Éric Thirouin.