C’est l’heure du bilan pour les coopératives céréalières ! La fin de l’année approchant, nombre d’entre elles ont organisé leur assemblée générale ces dernières semaines, pour faire le point sur l’exercice 2024-2025. Les choses avaient plutôt mal commencé, la France ayant connu, lors de l’été 2024, sa pire moisson depuis 40 ans – à l’exception du maïs – en raison de conditions climatiques pluvieuses et orageuses. La majorité des coopératives implantées dans la Nord de la France indiquent ainsi avoir enregistré un recul de 20 à 30 % des volumes collectés, notamment en blé, dont les tonnages étaient historiquement faibles. Malgré cette offre restreinte, la moindre qualité des grains a compliqué leur commercialisation à l’export. Dans ce contexte, les organismes stockeurs ont dû s’adapter, en se tournant parfois vers les marchés intérieurs, comme l’indique Agora ou encore Natup, qui a, en 2024, « doublé (ses) exportations de blé vers l’Europe » par rapport à l’année précédente.

Des gouvernances repensées

Malgré ce début d’exercice mouvementé, qui n’a pas été sans conséquence sur les chiffres d’affaires, les coopératives insistent sur leur résilience. Agora indique ainsi avoir « redistribué l’intégralité du résultat d’exploitation aux associés coopérateurs pour cette campagne ». Par ailleurs, Vivescia a annoncé avoir mobilisé 600 M€ dans le cadre du lancement de son programme « Vivescia 3.0, pour des filières et des ingrédients durables », annoncé lors de son assemblée générale. Pour « fédérer l’ensemble des démarches de durabilité », mais aussi « intégrer les enjeux carbone et de la biodiversité », la Scara a de son côté révélé son label « Graines d’innovation », indique Céline Gilet, la directrice générale du groupe. Enfin, Axereal a communiqué sur les premiers résultats de son programme « Oser », axé sur la simplification et la recherche de nouveaux leviers de croissance. La coopérative a par ailleurs repensé son mode de gouvernance autour de six métiers. Advitam a pour sa part lancé sa stratégie RSE Impact 2030 et créé une direction de l’innovation agricole. Chez Natup, une « commission jeunes » a été créée en juin, pour « impliquer les nouvelles générations dans la gouvernance », précise Antoine Declercq, le président de la structure.

Bataille sur le bas carbone

Dans leur prise de parole, les coopératives ont donné la part belle à leur investissement sur le dossier du bas carbone et de l’agriculture régénératrice. Des enjeux qui prennent une part croissante dans les stratégies des organismes stockeurs. Advitam souhaite ainsi se « positionner comme l’acteur référent de la transition agricole dans les Hauts-de-France », en accompagnant 1 000 agriculteurs en agriculture de régénération en 2030, explique Olivier Athiman, le directeur général d’Advitam. La valorisation de 6100 tonnes de colza « bas GES » a par ailleurs permis de reverser 200 000 euros aux producteurs. La coopérative Unéal (branche agricole du groupe Advitam) a quant à elle déployé pour la première année l’offre Odacio régénération, qui accompagne les agriculteurs dans le déploiement d’une stratégie bas carbone. Suite à la candidature de la coopérative à un appel à projets porté par l’Ademe, 283 diagnostics carbone vont être réalisés par la Scara, qui a également produit 837 tonnes d’orge bas carbone en 2024.

Chez Axéréal, l’ambition ne manque pas non plus sur le bas carbone. Selon la coopérative, son programme CultivUp, lancé en 2017 et regroupant 1600 agriculteurs pour 200 000 hectares, « s’impose aujourd’hui comme un programme puissant sur le marché ». Enfin, Vivescia poursuit le déploiement de son programme Transitions, « premier programme d’agriculture régénérative en France et sans doute en Europe, (…) et locomotive d’innovation », selon Christoph Büren, le président de la coopérative. Natup a pour sa part fait le choix de s’intéresser à l’enjeu de la fertilité des sols, avec le lancement de son service « Diagnostic sol » au printemps 2025.

10 Mrds € sur trois ans

Si la météo a été plus clémente pour la moisson 2025, permettant une récolte plus que satisfaisante, le contexte politique national incertain, les équilibres géopolitiques instables et la situation économique morose des céréaliers (voir encadré) pèsent sur les perspectives. « 2025 restera une année hors normes, a ainsi déclaré Dominique Chargé, le président de La Coopération agricole, en clôture de la séance plénière du Congrès des coopératives à Angers, le 10 décembre. Il y a urgence à renouer avec la compétitivité, les investissements et nos capacités à opérer les transitions. » Pour cela, le président de LCA indique que 10 Mrds € seront investis par les coopératives au cours des trois prochaines années. « Le monde change, et bien nous aussi osons nous transformer ! »

Un « décrochage massif » de la filière céréalière

« Les céréaliers sont arrivés à un point de rupture aux conséquences bientôt irréversibles. » Dans un communiqué daté du 16 décembre, les organisations syndicales représentant les producteurs de blé (AGPB), de maïs (AGPM) et d’oléoprotéagineux (Fop) s’alarment de « l’effondrement économique » connu par les céréaliers. Selon la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN), qui publiait ses résultats ce même jour, les producteurs de céréales auraient les revenus les plus bas, toutes filières agricoles confondues. « Les aléas climatiques et la conjoncture économique n’expliquent pas tout : où sont les mesures cohérentes et concrètes promises par les décideurs politiques, en France comme en Europe, pour répondre aux maux structurels qui sapent notre compétitivité et qui nous permettraient de gagner en résilience ? », interrogent les présidents de l’AGPB et de l’AGPM. En dix ans, près de 900 000 hectares de céréales à paille et 550 000 hectares de maïs ont été perdus.