Le mot « chasseur » est -il en train de devenir une insulte ? C’est la question que l’on peut se poser tant ce loisir est étrillé un peu partout. C’est un mouvement de fond. Et qui ne touche pas que la chasse. L’autre jour, sous le Pont-Neuf, Bill François, un confrère, rédacteur en chef du magazine « La pêche et les poissons » combattait un joli silure quand il se rendit compte qu’on le filmait. C’était Djamel Debbouze. Intéressé mais inquiet. « Mais vous lui faites mal là ! » lança-t-il au pêcheur. Bill s’en sortit par une pirouette : « ce sont des hameçons spéciaux. » Le silure fut échoué sur le quai et finalement l’ami Bill, fin diplomate, avant de remettre le poisson à l’eau, dit à l’artiste qu’il lui avait donné son nom. On voit donc que cet « animalisme », qui est une forme aiguë d’anthropomorphisme, est redoutable. Car enfin, si on s’identifie à un silure, c’est encore plus prononcé pour un chevreuil, un cerf ou une perdrix …
Les chasseurs n’ont donc pas bonne presse. Ce qui les sauve encore, c’est la régulation du sanglier, animal réputé teigneux et vaguement « méchant » que l’on n’aime pas trop voir roder dans le jardin. Mais pour le reste, on les assimile trop souvent à des abrutis.
11 propositions
Conscients de cette offensive qui s’accentue année après année, le patron des chasseurs leur avait donc demandé le 17 mai dernier de porter un « manifeste » dans les mairies. Voici la liste de ses 11 propositions :
Reconnaissance d’intérêt général de la chasse française. Et inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco de tous les modes de chasse. Arrêt du paiement des dégâts de grand gibier sur les cultures par les seuls chasseurs afin de sauver le système d’indemnisation pour les agriculteurs. Refus de l’interdiction du plomb dans les munitions de chasse. Suppression de tous les moratoires européens. Maintien de toutes les espèces chassables. Reconnaissance de la légitimité de toutes les chasses traditionnelles afin de garantir leurs pratiques. Animation d’une police de proximité rurale par les fédérations des chasseurs à disposition des communes. Création d’un fonds dédié aux fédérations pour financer les actions de réaménagement environnemental comme les haies pour le petit gibier. Permission aux chasseurs de céder leur gibier sans contrainte réglementaire disproportionnée. Réduction significative des populations de loups afin de sauver le pastoralisme et les populations d’ongulés. Retour à la liste complète des nuisibles dans tous les départements et maintien partout du piégeage et du déterrage. Liberté de continuer à chasser le week-end, les vacances et jours fériés.
Le manifeste de la chasse devait être apporté devant toutes les mairies de France.
Willy Schraen avait exhorté ses adhérents à se mobiliser puissamment : « dans chaque village, dans chaque ville, dans chaque arrondissement, nous allons montrer, même si l’Europe des 27 est trop étendue pour y manifester en nombre, que nous sommes capables de faire passer, en même temps, dans les 35 000 communes de France, un manifeste qui sera notre cri du cœur ».
Et d’ajouter : « nous demanderons également aux maires, s’ils le souhaitent, de signer ces revendications. Je demande à tous mes collègues ici présents d’organiser et de structurer cette action sur l’ensemble de leur département, avec l’aide de nos structures de chasse, de nos associations spécialisées, et de l’ensemble des chasseresses et des chasseurs ».
Il avait conclu en invitant « tous ceux qui souffrent du diktat de l’Europe pour leur mode de vie et dans leurs pratiques liées à la nature, à se joindre à nous, lors de cette grande action pacifique. »
La FNC devant la Cour européenne des droits de l’homme
Willy Schraen a aussi fait une annonce importante. La FNC va porter son dossier devant la plus haute juridiction européenne :
« La FNC cherche tous les moyens juridiques possibles pour contester ces décisions nationales et européennes. Je vous donne donc de façon solennelle rendez-vous devant la Cour européenne des droits de l’homme, que nous saisirons prochainement, sur l’accusation de détruire de façon méthodique l’entièreté de nos identités culturelles et traditionnelles françaises. Il est temps de passer à la vitesse supérieure, rendez-vous est pris ! »
Notons qu’il ne s’agissait pas d’une manifestation, mais d’une mobilisation. Dans l’ensemble, les maires ont plutôt bien accueilli le manifeste et beaucoup l’ont signé. En face, les opposants ont réagi par l’indignation et l’incontournable Allain Bougrain-Dubourg a fait le tour des plateaux.
Reste maintenant à attendre des résultats. La menace d’arrêt de paiement pour les dégâts de grand gibier reste un levier de discussion important. Le retour à la liste complète des espèces nuisibles sur les listes départementales semble difficile, comme la suspension du moratoire sur certaines espèces même si des actions juridiques sont engagées à l’échelon européen. C’est bien l’Europe le fer de lance de la réglementation. C’est elle qui, après avoir détruit nos chasses traditionnelles, nous intime de supprimer la chasse de la palombe aux pantes et pantières dans le Sud-Ouest.
C’est la raison pour laquelle Willy Schraen a décidé de porter le fer à Bruxelles.
Souhaitons-lui bon courage.