Sous un soleil de plomb, ce jeudi 19 juin, Clément Bunias, responsable de la ferme agroécologique d’Étrépagny (Eure) plante sa bêche dans un champ de betteraves au pied de la sucrerie : « regardez ce sol, il est bien aéré, les racines sont profondes, les vers de terre sont là ». Le sol est frais malgré les 30°C qui s’affichent sur le thermomètre.
Allongement des rotations, mise en place de couverts, diminution du travail du sol…Les efforts pour faire remonter les taux de matière organique commencent à payer. « On gagne 0,1 % de matière organique chaque année depuis la mise en place des techniques d’agriculture régénératrice ».
La ferme agroécologique d’Étrépagny sert de référence pour emmener les planteurs vers l’agriculture régénératrice. Le mouvement a été lancé en 2024 avec 80 agriculteurs. Cette année, ils sont 300. L’ambition de Saint Louis Sucre est d’arriver à 900 planteurs en 2030, soit 30 % des 2 750 livreurs des sucreries de Roye (Somme) et d’Etrépagny.
Ils sont suivis sur 4 indicateurs agronomiques (couverture des sols, diversité des plantes cultivées, intensité du travail du sol, biomasse des couverts) et un indicateur climatique (émission des gaz à effet de serre). Par exemple, la couverture des sols est suivie par satellite. Elle est en moyenne de 249 jours, mais « certains agriculteurs dépassent les 300 jours par an de couverture des sols », se félicite Ughau Debreu, responsable de la durabilité agricole.
La matière sèche, obtenue grâce à certains des couverts à haute densité de légumineuses, réduit de 50 % le besoin en engrais azotés.
35 % de Co2 en moins
L’objectif est de réduire de 35 % les émissions de carbone chez les planteurs. « En moyenne, un hectare de betterave émet 3,35 t de Co2, mais on peut réduire ces émissions de 1 à 1,5 tonne », estime Thomas Nuytten, directeur betteravier du groupe.
Pour y parvenir, Saint Louis accompagne techniquement et financièrement les agriculteurs.
Les pertes en rendement sont couvertes par le sucrier. Concrètement, une moitié de la surface de betteraves est conduite de manière innovante et, si le rendement est inférieur, Saint Louis compense les pertes, qui sont en moyenne de 11 % chez les planteurs suivant le programme. « On partage nos échecs et nos réussites », explique Romain Fayeulle, planteur à Trie-Château (Oise). C’est ce retour d’expérience qui a par exemple permis de mettre au point une technique de strip till à l’automne, puis une reprise au printemps avec des dents courtes, juste pour affiner le sol avant le semis.
Ces efforts permettent de diminuer l’empreinte carbone du sucre vendu aux industriels de l’agroalimentaire. Les agriculteurs, tout comme ses autres fournisseurs, constituent le scope 3 de Saint Louis, c’est-à-dire les émissions indirectes générées pour produire le sucre, mais qui ne sont pas sous le contrôle direct de la sucrerie. Un jargon qu’il faudra s’habituer à entendre, tant le bilan carbone prend une place centrale dans l’économie d’aujourd’hui.
De son côté, Saint Louis investit pour diminuer ses émissions directes : c’est le scope 1. Et, pour y parvenir, le sucrier a choisi la voie de l’électrification plutôt que la méthanisation de la pulpe.