Le 30 juin, la Commission européenne a conclu les négociations avec l’Ukraine sur le réexamen de la « zone de libre-échange approfondi et complet » (comprendre : l’accord commercial entre l’Union et l’Ukraine). 100 000 tonnes de sucre ukrainien pourront entrer sans droit de douane l’année prochaine, soit l’équivalent de la production d’une sucrerie européenne. « C’est trop » s’inquiète la CGB dans un communiqué daté du 7 juillet. « La Commission européenne sait parfaitement que le marché communautaire est mature : toute ouverture aux imports se traduit par des besoins moindres en production domestique et entraîne une baisse des prix » alerte Guillaume Gandon, vice-président de la CGB. Et de continuer : « On a déjà fermé 20 sucreries dans l’Union européenne depuis 6 ans, dont 6 en France ! La Commission doit donc s’attendre à ce que nous demandions des mesures compensatoires pour les planteurs. »

Le travail mené par le syndicalisme agricole français et européen a limité la casse

« Ce nouveau contingent, inférieur au précédent, est le fruit du travail de fond mené par la CGB et par la CIBE (Fédération des planteurs de betteraves européens), qui avait débouché notamment sur un déplacement à Kiev et dans les zones betteravières ukrainiennes, en mai dernier (voir BF n 1201) », précise-t-il. En effet, il était contingenté à 262 000 tonnes par an au cours de la campagne passée, après avoir été totalement ouvert en 2022, ce qui s’était traduit par l’afflux de près de 500 000 tonnes par an pendant deux ans, provoquant un effondrement des prix communautaires. Avant la guerre, la CGB rappelle néanmoins que le contingent était limité à 20 070 tonnes par an…

Bruxelles décide et les agriculteurs payent

Cette décision « contribue à l’intégration progressive de l’Ukraine dans le marché unique de l’UE et montre que l’engagement de l’UE à soutenir l’Ukraine est plus ferme que jamais » précise la Commission européenne dans un communiqué dans lesquels Ursula von der Leyen assure : « Dans le même temps, nous continuons à protéger les intérêts de nos agriculteurs ».

Coût aggravé par la distorsion de concurrence avec les betteraviers ukrainiens.

La CGB semble en douter : elle rappelle qu’en Ukraine, les betteraves sucrières sont produites dans des conditions non autorisées dans l’UE, avec l’utilisation de 30 produits phytosanitaires interdits en Europe, parfois depuis plusieurs dizaines d’années. Sur ce dernier point, la Commission tente de rassurer : « Un nouvel accès au marché est subordonné à l’alignement progressif de l’Ukraine sur les normes de production pertinentes de l’UE, telles que le bien-être animal, l’utilisation de pesticides et de médicaments vétérinaires », à partir de 2028. Des propos peu convaincants, et qui ne pourront, dans tous les cas, pas porter sur des contrôles sur produits finis : il est impossible de détecter dans le sucre les molécules épandues sur la betterave puisque ce dernier est un cristal pur.

Le combat est-il perdu ? Le communiqué de la Commission évoque un mécanisme de sauvegarde « permettant l’adoption de mesures appropriées dans les situations où les importations peuvent avoir des effets négatifs sur l’une ou l’autre partie. » Mais on ne peut que le constater : par le passé, jamais une clause de sauvegarde ne semble avoir été activée…

Qui la Commission aide-t-elle vraiment ?

Si les agriculteurs européens sont les principaux acteurs impactés par ces importations à droit nul, à qui cette libéralité profite-t-elle ? Selon la CGB, et après avoir été constatée la situation sur place, « la concession de ce volume ne bénéficiera qu’à une dizaine d’agroholdings, structures commerciales de plusieurs milliers d’hectares, généralement détenues par des capitaux étrangers ». Elle enfonce d’ailleurs le clou : « mettre en concurrence des exploitations françaises familiales comme les nôtres, de 140 ha en moyenne, avec des structures commerciales de 200 000 ha, n’est pas durable. La Commission européenne doit, dès aujourd’hui, regarder en face ce défi. »