« Combien de temps, encore, allons-nous tolérer l’hypocrisie qui entoure le système d’indemnisation des dégâts de gibier ? » C’est par ce cri d’alarme que Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) a ouvert son intervention devant la presse à l’occasion du traditionnel bilan qu’il fait tous les ans au moment de l’ouverture.

« Chaque année, a-t-il poursuivi, des millions d’euros s’évaporent pour compenser des cultures agricoles ravagées par des sangliers toujours plus nombreux… Et rien ne change.

Pire : on fait semblant de croire que les chasseurs, seuls, pourront continuer à payer l’addition pour des dégâts qu’ils ne peuvent pas maîtriser totalement. »

25 000 chasseurs en moins

Ce coup de gueule est dû au fait que le budget indemnisation des dégâts agricoles ne cesse d’augmenter. Entre 2010 et 2022, les montants versés annuellement par les chasseurs ont été multipliés par deux. La charge globale atteint en moyenne, ces quatre dernières années, près de 90 M€ par an, dont 55,5 M€ en indemnisation directe, 6,5 M€ pour les actions de prévention, et 25,7 M€ en frais de gestion. Le sanglier, espèce prolifique, adaptable, et en nette expansion depuis 30 ans, est responsable de près de 90 % des dégâts indemnisés. Parallèlement à ce phénomène, le nombre de chasseurs a enregistré une baisse de 25 000 l’année dernière ! La charge pèse donc sur un nombre de plus en plus restreint.

Les prélèvements réalisés en France sont en hausse. Un permis national attractif à 200 € (Cf. loi « chasse » de juillet 2019) permet une mobilisation là où le gibier se trouve. Les prélèvements annuels montrent que l’on se situe presque à un sanglier par chasseur, mais ils restent insuffisants dans certains départements. Les chasseurs mettent les bouchées doubles. Depuis 2024-2025, au moins 58 départements ont décidé d’autoriser la chasse du sanglier en avril-mai, principalement à l’approche ou à l’affût, pour protéger les cultures de printemps. Trente départements ont demandé à avoir la possibilité d’utiliser la chevrotine, plus sécuritaire et efficace à courte portée. Mais ces mesures ne freinent pas l’expansion de l’animal. D’autant qu’il n’est pas chassé partout. Sur quantité de territoires périurbains, la chasse est interdite. On estime qu’environ 30 % du territoire de la France métropolitaine (sur environ 55 millions d’hectares) ne sont pas chassés ou est très peu chassés.

Les accords de 2023

À force de hausser le ton, à force aussi de présenter des arguments indiscutables, la FNC a obtenu un premier résultat. Le 1er mars 2023, un accord a été signé, en présence des pouvoirs publics et des principaux acteurs du monde cynégétique et agricole. Un fonds national de 60 M€ a été constitué, réparti en 25 M€ pour 2023, 20 M€ pour 2024 et 15 M€ pour 2025. Ce financement, raboté de 10 M€, a été versé aux fédérations des chasseurs sous certaines conditions. L’État met la main à la poche si les objectifs sont atteints. L’idée est de responsabiliser l’ensemble des acteurs : les chasseurs sont incités à intensifier leurs efforts de régulation, et les agriculteurs à collaborer aux mesures de prévention. Un comité national examine la trajectoire des dégâts chaque année avant de valider le paiement pour l’année suivante.

Tout cela est bel et bon. Mais pour l’avenir ? La Fédération est incapable de faire face à l’explosion de la dette. Elle demande donc une refonte complète du système. Celui-ci, unique en Europe, lui impose de payer les dégâts agricoles et forestiers.

Propositions de loi

Le dispositif actuel fonctionne comme un « droit » à indemnisation sans exiger en contrepartie des protections, ou à inciter les plaignants à limiter l’exposition aux risques.

Bien que des dispositifs de prévention existent (clôtures, effarouchement, cultures répulsives), on les utilise peu. Comme le droit à l’indemnisation est automatique, les plaignants regardent ailleurs. Il faut toutefois préciser que certaines protections, comme les clôtures électriques, sont peu efficaces.

Pour le reste, on se doute bien que, par ces temps de disette budgétaire, l’État freine des quatre fers, notamment pour les demandes des chasseurs. Ils n’ont pas toujours bonne presse et restent la bête noire des écologistes. Ces derniers clament d’ailleurs haut et fort – et sans apporter la moindre preuve – que leurs adversaires bichonnent le sanglier, l’agrainent, favorisent sa reproduction.

Ces billevesées trouvent, hélas, parfois un écho au sein du pouvoir politique.

Un certain nombre de propositions de loi, allant dans le bon sens, ont été déposées au bureau de l’Assemblée nationale. C’est très bien. Mais il faut savoir que la majorité des propositions restent au fond de l’armoire. Quand il s’agit de débattre, les projets de loi – présentés par le gouvernement – l’emportent sur les textes des élus … À moins que, bénéficiant d’un trou de souris, l’une d’elles finisse par être discutée au Parlement.

Sans avoir la certitude pour autant qu’elle sera votée.