Des pertes de rendement sous-estimées

Afin de quantifier l’impact des jaunisses en 2020, l’ITB a comparé cet automne le poids de racines et la richesse de betteraves prélevées, pour une même parcelle, dans des zones où la végétation était restée verte et des zones présentant les symptômes de jaunisse virale. Les mesures ont été effectuées sur vingt-six parcelles qui n’étaient pas touchées à 100 % par les infections virales (figure 1). Les prélèvements sont réalisés sur des placettes de quatre rangs et six mètres, répétées quatre fois pour chaque zone. Les résultats montrent une réduction des deux composantes du rendement. La productivité est ainsi réduite de 25 % en moyenne, et peut aller jusqu’à 48 %. Elle est liée à la fois à une perte de poids (en moyenne de 20 %) et à une perte de richesse (en moyenne de 0,86 points).

Des tests sérologiques réalisés sur des plantes issues des zones vertes montrent cependant que 70 % de ces plantes sont également atteintes de jaunisse. Il est très probable que la présence de virus dans ces betteraves ait eu un impact sur le rendement, qui n’a pas pu être évalué. Les estimations de pertes de rendement présentées plus haut sont donc certainement sous-estimées. De plus, il est important de souligner que dans les régions Centre et Île-de-France, il n’a pas été possible de réaliser ce chiffrage car 100 % des surfaces étaient touchées par la jaunisse en juillet. Dans ces régions, les pertes vont de 28 à 74 %, en comparant leur rendement 2020 au rendement normal de la parcelle sur un panel de cinquante exploitations.

Prévalence des différentes espèces de virus en 2020

Quatre virus sont responsables de la jaunisse de la betterave en France : le virus de la jaunisse grave de la betterave (BYV), les virus responsables de la jaunisse modérée (BYMV et BChV), et le virus de la mosaïque de la betterave (BtMV). Les biologies de ces virus étant différentes, il est indispensable de connaître quels virus sont présents dans les plantes atteintes de jaunisse. L’ITB a donc réalisé plus de 160 prélèvements suivis de tests sérologiques afin d’identifier les virus responsables de l’épidémie de jaunisse en 2020. La carte présentant les résultats obtenus est présentée en figure 2.

Contrairement à la campagne 2019, durant laquelle les polérovirus responsables de la jaunisse modérée (BMYV et BChV) étaient très majoritairement identifiés dans les prélèvements, et où les co-infections ne concernaient que 4 % des plantes, la campagne 2020 est marquée par une forte prévalence du BYV et de nombreuses co-infections.

72 % des plantes étaient infectées par deux virus différents ou plus, et les trois familles de virus de jaunisse connues à ce jour sont fréquemment détectées dans la même plante. Le BYV est présent dans 70 % des échantillons. Les polérovirus responsables de la jaunisse modérée (BMYV et BChV) sont détectés dans 82 % des échantillons et le BtMV est identifié dans 64 % des échantillons.

Les co-infections entraînent une sévérité plus importante de la jaunisse, mais la recherche manque de connaissances sur les interactions entre les virus au sein de la plante. Des travaux menés dans le cadre du Plan National de Recherche et d’Innovation (PNRI) permettront de mieux comprendre ces phénomènes.

Les réservoirs de jaunisse

Au moins 200 espèces de plantes parmi une vingtaine de familles sont hôtes de virus de jaunisse, dont certaines sont très communes, comme par exemple la capselle (Capsella bursa-pastoris), hôte du BMYV, ou le lamier pourpre (Lamium purpureum), hôte du BYV et des polérovirus. Des adventices de la betterave sont également hôtes de virus de jaunisse comme le mouron blanc (Stellaria media), qui est à la fois hôte des virus de la jaunisse modérée et du BYV, les amarantes et les chénopodes.

Des espèces cultivées, hôtes de jaunisse.

Parmi les espèces cultivées, les chénopodiacées comme les épinards sont hôtes du BYV, BChV et BMYV. La phacélie, la moutarde et le radis, utilisées en interculture, sont également hôtes de virus de jaunisse.

L’ITB réalise une campagne d’échantillonnage cet automne, afin d’identifier quelles plantes sont réservoirs de virus. Des travaux complémentaires seront menés dans le cadre du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) par l’INRAE afin de savoir, parmi ces plantes, celles sur lesquelles les pucerons vecteurs de jaunisse se nourrissent avant de migrer sur la betterave. Ils permettront de mieux comprendre quels sont les réservoirs de virus effectifs sur le terrain.