Il y a un énorme contraste entre l’évolution positive de la demande française d’éthanol et les menaces qui risquent de stopper son développement. En effet, le SP 95-E 10 est devenu la première essence de France avec 39 % de parts de marché, les boîtiers qui permettent d’équiper les véhicules à essence pour qu’ils puissent rouler à l’E 85 sont en cours d’homologation, et l’ED 95 ouvre des perspectives pour les bus. Enfin, un chiffre symbolique a été atteint avec 1 000 stations-service distribuant le superéthanol E 85 aux 32 000 véhicules flexfuel et aux 60 000 voitures déjà équipées de boîtiers.
En revanche, les décisions politiques font peser de lourdes menaces. Lors de l’assemblée générale du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA), qui s’est tenue le 5 avril, son président a dénoncé la présence de dérivés d’huile de palme dans les essences françaises : « On n’a pas fait tout ce travail en commun pour que l’huile de palme hydrotraitée prenne la place des filières françaises dans les carburants », s’est exclamé Bruno Hot.
Au niveau européen, les producteurs d’éthanol sont très inquiets de la tournure de la négociation UE-Mercosur qui pourrait ouvrir un contingent d’importation de 7,5 Mhl d’éthanol à droits réduits, soit un volume équivalent à 10 % de la production européenne, alors que les prix européens sont déjà historiquement bas.

Conserver 7 % d’éthanol dans les essences
L’autre danger vient du côté du projet de directive européenne RED II sur les énergies renouvelables pour la période 2020-2030, qui laisse peu de place à l’éthanol de première génération (celle produite à partir de betterave, de blé et de maïs). « Il faudra que le gouvernement français soutienne un compromis qui respecte le plafond de 7 % existant depuis 2015 et qui contient un objectif ambitieux d’énergies renouvelables dans les transports applicables à tous les États membres, de 12 % au moins et sans comptages multiples », insiste Bruno Hot. Car l’artifice du comptage multiple permet d’atteindre virtuellement les objectifs d’énergies renouvelables, alors qu’en réalité on utilise des carburants fossiles.
La position du SNPAA n’est pas d’opposer la première et la deuxième génération, mais de les additionner, d’autant que les producteurs d’éthanol travaillent aussi sur cette deuxième génération avec le programme Futurol par exemple. Le SNPAA demande par ailleurs que l’éthanol issu de sucres non extractibles (mélasse) et des amidons résiduels ne soit plus classé comme biocarburant de première génération (1G) car cet alcool provient bien de produits non alimentaires. Ce classement est important, puisque dans ce cas l’alcool de mélasse ne serait plus comptabilisé dans le plafond de 7 % qui limite l’incorporation de l’éthanol dans les essences.
Les trilogues entre le Parlement européen, le Conseil des ministres et la Commission sur la future directive sont en cours. Les arbitrages à venir seront donc cruciaux pour l’avenir de l’éthanol.

François-Xavier Duquenne