Quatre États membres ont reçu une lettre du commissaire en charge de la santé et de la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, leur demandant de s’engager à cesser d’octroyer des « autorisations d’urgence » pour l’utilisation restreinte de trois substances actives utilisées dans des pesticides (l’imidaclopride et la clothianidine de Bayer et le thiaméthoxame de Syngenta).

« Deux ont répondu positivement avec des engagements. Pour les deux autres, la Commission européenne a l’intention de préparer des décisions conformément à l’article 53(3) du Règlement No 1107/2009 qui, si elles sont adoptées, les empêcheraient de fournir à nouveau des autorisations non justifiées », indique la lettre, sans nommer les deux pays concernés.

C’est la première fois que la Commission utilise cette option. Outre la société civile, le Parlement européen a aussi appelé l’exécutif à « pleinement exercer ses droits de contrôle dans le cadre de l’article 53(2) et (3) ».

Le règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques – notamment l’article 53 – permet aux pays européens d’autoriser l’utilisation de produits chimiques non approuvés « dans des circonstances particulières », « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables. »

Le règlement donne à la Commission un certain nombre d’options pour s’assurer que les pays n’abusent pas de ces dérogations. Elle peut s’appuyer sur l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, pour évaluer l’urgence des autorisations, et prendre ensuite des mesures pour que les pays suppriment ou modifient les dérogations.

Lignes directrices de l’EFSA

En plus de restreindre l’utilisation de dérogation par les États membres, la Commission européenne est en train de mettre à jour les lignes directrices sur les normes de sécurité des abeilles pour les pesticides.

Dans leur lettre, les ONG s’inquiètent que les agriculteurs ne fassent que remplacer les néonicotinoïdes interdits par d’autres pesticides tout aussi néfastes pour les abeilles, car les autres pesticides ne sont pas aussi sévèrement testés que les trois substances interdites.

Ce à quoi Vytenis Andriukaitis a répondu que les dossiers de renouvellement et d’approbation des substances actives contenaient bien des données sur la toxicité chronique pour les abeilles, ce qui permet une évaluation des risques potentiels à long terme pour ces insectes.

« Jusqu’à aujourd’hui, l’UE n’a pas appliqué de manière cohérente les critères scientifiques les plus récents pour évaluer l’impact des pesticides sur les abeilles, adoptés par l’EFSA dès 2013. Ces normes de test n’ont été pleinement utilisées que pour l’évaluation des trois néonicotinoïdes qui ont ensuite été interdits, et partiellement pour l’évaluation de très rares autres pesticides », indiquent les ONG dans leur lettre.

Selon le commissaire Vytenis Andriukaitis, depuis plus de cinq ans, une nette majorité d’États membres ont refusé d’accepter le document d’orientation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) car ils ne souhaitaient pas le mettre en œuvre avant son réexamen.

La Commission ne peut donc pas s’appuyer sur l’actuel document d’orientation pour prendre des décisions concernant les demandes de renouvellement d’approbation, à moins qu’il ne soit approuvé par les États membres.

« Afin de sortir de cette impasse au sein de la commission permanente, j’ai proposé de mettre en œuvre dès maintenant les parties pour lesquelles les États membres sont d’accord. Même si ce n’est pas aussi ambitieux que je le souhaiterais, ce sera quand même un pas en avant », a déclaré Vytenis Andriukaitis dans sa lettre.

La Commission disposerait d’une majorité pour ses dernières propositions, mais elle ne procédera à un vote qu’après la prochaine réunion en mars, car elle doit encore mener à bien les consultations internes et externes.

Pour les ONG, la Commission européenne n’affiche pas le niveau d’ambition requis pour protéger les insectes en général et les abeilles en particulier.

« Nos pollinisateurs sont en crise et les pesticides sont certainement l’un des principaux coupables. L’année dernière, l’UE a interdit trois pesticides tueurs d’abeilles. C’était un premier pas en avant, mais la Commission semble maintenant prête à faire deux pas en arrière en ouvrant la voie à d’autres produits chimiques qui sont tout aussi dangereux pour les abeilles. Nous ne pouvons pas les sauver si l’UE laisse un pesticide toxique en remplacer un autre », a déclaré Franziska Achterberg, directrice de la politique alimentaire de Greenpeace UE.

Claire Stam (Euractiv.com) – Traduit par Marion Candau.