Les questions étaient nombreuses dans la salle ce 18 juin. Près de 120 planteurs étaient réunis pour l’assemblée générale du syndicat betteravier des Limagnes. Après un rappel des difficultés rencontrées sur la campagne passée (canicule, manque d’eau, cercosporiose, charançons…), la discussion est rapidement venue sur le sujet qui occupe tous les esprits : le projet de fermeture de la sucrerie de Bourdon en 2020. De l’avis général des participants, l’arrêt de l’usine serait une catastrophe économique pour le territoire. « Tout l’écosystème agricole régional sera impacté », lance en tribune Régis Chaucheprat, le président de la CGB Limagnes. « Nous sommes très inquiets. Ce serait le deuxième sinistre industriel majeur dans le bassin, après la fermeture de la Seita en 2017 », renchérit Frédéric Bonnichon, conseiller régional et maire de Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme), commune qui accueillait l’assemblée des planteurs. Contrairement à Südzucker, Cristal Union est prêt à céder le site si une solution de reprise pouvait voir le jour. « A-t-on étudié toutes les solutions ? A-t-on la possibilité de créer un autre modèle ici, tourné vers le local, loin des schémas mondiaux ? », interroge Franck Sander, le président de la CGB. Mais les coûts de production restent un frein. « A moins de 26 € /t de betteraves, les planteurs ne veulent pas s’engager. Or, il faut un minimum de 3 000 hectares pour compenser les charges fixes de l’usine », tranche Gilles Berthonneche, le président de la section de Bourdon.

Valoriser le sucre local

La CGB Limagnes vient de confier au cabinet Blezat Consulting une étude pour déterminer les débouchés possibles d’une production de sucre auvergnate valorisée localement. « On pourrait relancer la fabrication de sacs de sucre de 25 kg, abandonnée il y a quelques années, pour répondre à une demande locale », propose Régis Chaucheprat, qui souligne que la question de produire du bio sera aussi posée. D’autres pistes sont à l’étude à plus long terme, comme un procédé d’extraction simplifiée, qui permettrait de réduire le coût de transformation et produire des pulpes contenant davantage de sucre. Et « pourquoi ne pas négocier à Paris, des aides couplées dans le cadre du second pilier de la PAC, en demandant une spécificité locale, en lien avec les éleveurs qui ont besoin de la pulpe ? », propose Franck Sander. Des soutiens publics seront là si un projet voit le jour, assure la CGB, qui souligne avoir l’écoute de la Région et de l’Etat. « Une aide de 360 000 euros sur deux ans pour l’implantation de betteraves tolérantes à la cercosporiose avait été négociée avec le conseil départemental du Puy-de-Dôme, soit 45 €/ha, avant d’être stoppée par le projet de fermeture », rappelle Pierre Pelloux, le directeur de la CGB Limagnes. Pour Franck Sander, les acteurs de la filière doivent avancer ensemble pour proposer une solution. « Il faut nous mettre autour de la table, mettre fin aux divergences et se serrer les coudes avec l’industrie agroalimentaire, les collectivités, les éleveurs, le syndicat et la section », a insisté le président de la CGB.

Un délai demandé

Mais le temps presse. Déjà deux mois se sont écoulés depuis l’annonce du projet de fermeture. « Le délai est trop court pour lancer un nouveau projet. Il nous faut du temps pour inventer un nouveau modèle », déclare Franck Sander. Un avis partagé par la Chambre d’agriculture, qui va plus loin. « Nous demandons à Cristal Union un moratoire d’un an, pour trouver de nouveaux débouchés ou des substituts dans l’assolement. Le projet est trop brutal », demande Sabine Tholoniat, secrétaire de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. Le conseil de section de Bourdon devrait avoir accès aux comptes détaillés de la sucrerie dans les prochains jours. « Cela a pris du temps, car il a fallu reconstituer un compte de résultat détaillé qui n’existait pas. Nous n’avions que les coûts de production de la sucrerie », détaille Gilles Berthonneche. Selon la CGB, une réunion devrait bientôt avoir lieu à Paris entre les dirigeants de Cristal Union, les représentants betteraviers et les parlementaires concernés. « Mais il ne faut pas trop en attendre, c’est à vous de proposer un projet, que nous accompagnerons », insiste Franck Sander.

Adrien Cahuzac