Le Polonais Janusz Wojciechowski a passé la plus grande partie de ses deux heures et demie d’audition dans les cordes, essuyant les coups incessants d’eurodéputés aiguillonnés par la réponse systématique du candidat à chaque question technique : « Je suis ouvert à la discussion ».

Le candidat polonais a centré tout son discours introductif sur sa prétendue vision à long terme, faisant valoir qu’il y avait un avenir pour l’agriculture européenne. « Ma première réalisation sera la préparation d’un rapport spécial sur la situation actuelle de l’agriculture, afin de mieux déterminer ce que nous sommes et où nous allons, » a-t-il déclaré durant son allocution préliminaire.

Les eurodéputés voulaient être rassurés sur des sujets concrets, tels que la « renationalisation » de la PAC, dont le spectre flotte toujours, ou le soutien aux agriculteurs pour qu’ils adoptent des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Mais les élus n’ont reçu en retour que de vagues réponses, exemptes des détails qu’ils attendaient.

Le candidat polonais a même admis qu’il était incapable de fournir une réponse complète sur le thème des nouvelles techniques de sélection végétale. Quand un journaliste lui a demandé son point de vue sur la réduction des pesticides, Janusz Wojciechowski a répondu qu’il examinerait des questions aussi détaillées s’il devenait commissaire.

Concernant la sécurité alimentaire, il a seulement déclaré que ce secteur avait besoin d’être davantage soutenu. Interrogé sur l’accord avec le Mercosur et d’autres traités commerciaux, il a répondu par des clichés et des formules creuses, telles que « les agriculteurs ne devraient pas être victimes du commerce international ».

Même sur le bien-être animal, considéré comme son point fort, le Polonais a déclaré que le système le plus efficace était l’action volontaire, avant de lâcher une phrase prêtant à controverse : « Je ne suis pas extrêmement écologiste, mais je pense que les agriculteurs sont les premiers écologistes ». Ce qui n’a pas manqué de déchaîner la fureur des Verts.

Lors d’une prise de bec avec la députée verte Molly Scott Cato, il a dit que l’évolution de l’agriculture européenne vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement devrait se faire avec les agriculteurs, pas contre eux.

« Nous, les Verts, nous ne sommes pas contre les agriculteurs, mais contre l’agro-industrie », a vertement répliqué Molly Scott Cato. « Allez-vous changer l’agro-industrie ? », a-t-elle poursuivi, obtenant un autre vague « je suis d’accord avec vous » en guise de réponse.

Sur d’autres sujets, Janusz Wojciechowski a fait preuve d’un certain manque d’ambition pour sa nouvelle administration potentielle, la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne (DG Agri). Interrogé sur la contribution de la DG Agri à la stratégie « de la ferme à la table » présentée par Ursula von der Leyen, la présidente élue de la Commission européenne, il a, en gros, minimisé le rôle pourtant majeur de son administration dans ce projet.

Selon lui, ce n’est pas un drame que la DG Agri ait perdu le contrôle sur les aides d’État dans le secteur de l’agriculture, car il y a beaucoup d’autres choses à faire estime-t-il. « Ce n’est pas un problème de partager avec la commissaire Vestager la compétence sur les aides d’État », a-t-il déclaré.

Réactions

L’eurodéputé socialiste Paolo De Castro ne cachait pas sa déception à l’issue d’une réunion des coordinateurs des groupes politiques. « Nous avons besoin de faire des vérifications supplémentaires, rien n’est exclu », a-t-il déclaré.

Il a notamment souligné que le candidat polonais n’avait proposé aucune stratégie claire concernant le risque de « renationalisation » de la PAC. « Cette absence de perspective menace la plus importante des politiques communes de l’UE », a-t-il relevé.

Les coordinateurs des groupes politiques du Parlement ont convenu d’envoyer par écrit des questions supplémentaires à Janusz Wojciechowski, faisant état de leurs doutes. Sur la base de ses réponses, ils décideront de le soutenir ou pas.

Norbert Lins, le président de la commission de l’agriculture, avait initialement tenté de mettre Janusz Wojciechowski à l’aise en disant qu’il ne se trouvait pas en terrain inconnu. Mais lui aussi a semblé déçu. Après les auditions, il a écrit dans un tweet que les réponses du candidat polonais manquaient de clarté.

« Je ne veux pas me contenter de discuter, je veux voir les choses bouger pour nos agriculteurs », a-t-il relevé, faisant allusion au mantra de Janusz Wojciechowski sur son ouverture « à la discussion ».

Le parti populaire européen (PPE), de centre droit, a jugé que sa performance était globalement « mauvaise ». « Je pense que sa performance était très faible, et il n’a pas répondu de manière concrète à de nombreuses questions », a asséné le coordinateur du groupe PPE Herbert Dorfmann, après l’audition.

« Notre groupe craint qu’il veuille uniquement reprendre la main, sans rien changer aux pratiques habituelles », ont ajouté les Verts.

Les eurodéputés ont tenté de faire preuve de bonne volonté en ne posant qu’une seule question à Janusz Wojciechowski sur l’enquête de l’Office européen de lutte antifraude qui le concerne. Le candidat polonais s’est plaint d’être victime de la situation. « Il s’agissait du paiement destiné à l’agence de voyages et les services financiers ont trop payé. Je suis désolé, il n’y a aucun problème de mon côté… », a-t-il plaidé pour sa défense.

Janusz Wojciechowski est cependant encore en droit d’espérer, car il a dit aux eurodéputés ce qu’ils voulaient entendre : que la PAC proposée par la Commission européenne pouvait encore être modifiée.

En réponse à Paolo De Castro, il a déclaré que la proposition actuelle n’était « pas la Bible », sans préciser toutefois quelle partie pourrait faire l’objet de changements.

Interrogé par un journaliste sur les propositions de la Commission pour la nouvelle PAC rédigées par Phil Hogan, le commissaire à l’agriculture sortant, Janusz Wojciechowski a répété qu’il s’agissait d’une bonne base, mais que « nous devrions utiliser toutes les possibilités ».

Gerardo Fortuna (Euractiv.com) – Traduit par Sandra Moro.