Il fut un temps où, du canard au sanglier en passant par le faisan, on agrainait joyeusement et sans souci. Le but était simple : faire en sorte que le gibier prospère chez soi. Et moins chez le voisin… Mais tout cela a été sérieusement bouleversé. Aux termes de l’article L. 425-5 du code de l’environnement, « l’agrainage et l’affouragement sont désormais autorisés dans les conditions définies par le schéma départemental de gestion cynégétique ». L’article L. 425-2 du même code précise que parmi les dispositions du Schéma Départemental de Gestion Cynégétique (SDGC), doivent désormais figurer obligatoirement : « les prescriptions relatives à l’agrainage et à l’affouragement ». Dès lors, le SDGC mis en place dans chaque département, rédigé par la Fédération départementale des chasseurs (FDC) et approuvé par le préfet, fournit une base juridique.

En l’absence de prescriptions particulières au sein d’un SDGC, l’agrainage est interdit.

Dans certains départements, il est autorisé mais avec une description précise du matériel, voire de son contenu. Tout cela est bel et bon. Encore faut-il s’entendre sur la définition du mot « agrainer ».

Le dictionnaire de l’Académie française définit l’agrainage comme le fait « d’attirer le gibier en répandant du grain sur le terrain de chasse », tandis qu’il définit le fourrage, comme « toute substance d’origine végétale, à l’exception des grains, servant à la nourriture et à l’entretien du bétail, en particulier plantes, tiges, feuilles et racines fraîches ou séchées de prairies naturelles ou artificielles ».

Dans un arrêt concernant des actes d’agrainage effectués en infraction aux dispositions du SDGC, la Cour de cassation conforte le PV en utilisant à plusieurs reprises les termes « place de nourrissage » et « infractions de nourrissage ». La Haute juridiction semble dépasser la lettre des textes pour en retenir l’esprit.

L’agrainage peut être autorisé. Mais pas question d’affûter le gibier à proximité. Les amendes sont lourdes si le chasseur se fait pincer. On a vu des gardes verbaliser des chasseurs de canards placés trop près du grain. Une chose est certaine : Il n’est plus question d’agrainer le sanglier avec pour seul but l’objectif d’en avoir davantage chez soi.

Seulement voilà : il y a aussi la possibilité d’agrainer le petit gibier, faisans et canards notamment et sur ce terrain la législation est beaucoup plus souple, car il n’y a pas de risque de surpopulation.

Le jeu du chat et de la souris

Ne serait-il donc pas possible d’utiliser des agrainoirs « petit gibier » pour, subrepticement, attirer la bête noire ? Il est bien connu que nos compatriotes, d’une part, sont « débrouillards », d’autre part, raffolent du sanglier. Imaginons donc que l’on installe un « agrainoir à faisans » d’une grande capacité protégé des sangliers par une petite grille verticale dont on aura coupé un barreau (« parce que les faisans en passant le cou peuvent se blesser ») et qu’on le charge de maïs. En transvasant le maïs, pas de chance, il en est tombé pas mal autour. Erreur humaine. Et c’est ainsi qu’un « agrainoir à faisans » peut attirer les cochons.

La taille des agrainoirs petit gibier étant réglementée le garde pourra s’appuyer sur cet élément pour verbaliser. Mais dans le cas où il serait conforme à la norme une bataille pourrait s’engager, le verbalisé plaidant sa bonne foi, le fait que l’agrainoir était bel et bien réglementaire, la nécessité de ne pas blesser les faisans en coupant un barreau et un épandage « totalement involontaire » au-delà de l’appareil. Quant à la présence de maïs au lieu du blé utilisé d’ordinaire pour les faisans notre verbalisé aura beau jeu d’expliquer que la nature de l’aliment n’est pas précisée dans le SDGC de son département.

C’est le jeu du chat et de la souris en sachant quand même qu’à ce jeu c’est souvent le chat qui gagne …
La réglementation est ce qu’elle est. Imparfaite certainement. Car pourquoi interdire l’agrainoir à sangliers alors qu’à cent mètres de l’objet du délit il peut y avoir de grands champs de maïs parfaitement légaux ? La réponse est que le tas de grains est plus affriolant que la culture sur pied et donc concentrerait les animaux …
A en juger par les paquets de sangliers batifolant dans les champs de maïs cet argument semble fragile.

Un PV de 135 €

Quoi qu’il en soit, le non-respect des prescriptions du SDGC relatives aux modalités d’agrainage est sanctionné par une contravention de 4e classe, soit 135 €. Il en est de même pour le tir à l’agrainée du gibier d’eau.

Le détenteur du droit de chasse qui laisserait sur son territoire des personnes agrainer et affourager du gibier en violation des dispositions du SDGC est susceptible d’être également poursuivi. Même en son absence ou lorsque l’auteur est inconnu.

Pour le tir à l’agrainée des faisans, des perdrix, ou du grand gibier à proximité immédiate d’un point d’agrainage ou d’affouragement c’est plus cher : environ 1 500 €.

Pour ne pas avoir d’ennuis mieux vaut donc consulter le SGDC départemental.

ÉRIC JOLY