L’aube est encore loin. Dans la nuit noire et brumeuse de ce jeudi 26 septembre, l’usine Tereos de Connantre (Marne) reprend son activité effrénée de transformation des betteraves en sucre, à la lumière des projecteurs et des lampadaires. Depuis 3h45, toutes les 90 secondes, un 44 tonnes pénètre dans l’une des plus grandes sucreries européennes. Chacun déverse les racines arrachées depuis le vendredi précédent dans un rayon de 42 kilomètres. 23 000 tonnes vont être avalées en moyenne quotidiennement, apportées par 1 200 camions, jusqu’au 10 janvier environ. « Les betteraves, petites, ressemblent à celles de l’année précédente, avec une grande hétérogénéité selon les parcelles », commente Vincent Batteux, le directeur depuis trois ans et demi, venu de chez ArcelorMittal.

Une capacité de 28 000 tonnes

Les derniers prélèvements laissent présager un rendement moyen de 81,2 t/ha à 16°S, inférieur à la moyenne des cinq dernières années. Pour préparer la remise en route du géant d’acier champenois, les équipes sont sur le pont depuis deux semaines. « Nous avons fait fonctionner l’usine avec de l’eau dans tous les circuits, pour vérifier et régler les machines. Cela a un coût mais c’est le gage d’une meilleure qualité de sucre ensuite », affirme Vincent Batteux, présent sur le site depuis 3 heures du matin. Le directeur n’est pas peu fier d’annoncer un investissement de 17 millions d’euros prévu en 2020. Décidé dans le cadre du plan Ambitions 2022 de Tereos, il doit permettre la construction d’un nouveau lavoir, opérationnel en septembre 2021. Plus de 28 000 tonnes de betteraves pourront être lavées quotidiennement, contre 23 000 aujourd’hui, par l’ancien lavoir construit en 1975. « Cela permettra de saturer l’usine. Jusqu’à présent, le lavoir était le facteur limitant des autres ateliers », détaille-t-il, en estimant que le retour sur investissement se fera sur trois ou quatre ans. Avec ce nouvel équipement, la consommation en eau sera diminuée de 50 % et la consommation électrique de 30 %. Cet investissement, qui va permettre à la sucrerie de gagner en compétitivité, poursuit une transformation du site entamée il y a cinq ans. 110 millions d’euros ont été investis sur la période, pour moderniser le deuxième jet de cristallisation, remettre en route le troisième jet, mettre en place une cuve supplémentaire de stockage sirop de 90 000 m3, pour permettre durant l’intercampagne de choisir entre la production de sucre ou d’éthanol selon les cours de marché (et de produire le cas échéant du sucre durant 180 jours), et étendre les bassins de stockage d’eau. Un effort important a été réalisé sur les consommations énergétiques, avec le calorifugeage des équipements pour réduire les déperditions de chaleur et l’installation de chaudières à gaz en 2016 remplaçant celles au fioul. Ces différentes actions ont permis de réduire la facture énergétique de 23 %.

Amélioration continue des tâches

Parallèlement de nouvelles méthodes de travail, inspirées de l’industrie automobile, ont été déployées. Amélioration continue des tâches, méthodes participatives, système de rangement de type 5S… Cent actions de performance ont été lancées depuis le printemps 2018, dont 50 % ne demandant aucun investissement. Les silos de betteraves ont été recartographiés avec les mairies et les transporteurs pour obtenir le meilleur prix possible du transport, la normalisation de la procédure de l’atelier de coupe, avec la mise en place d’une vérification de la qualité par imagerie numérique, déployée depuis à toutes les sucreries de Tereos, une salle de réunion sans chaises, baptisée « cockpit », a été installée au coeur de l’usine, pour des réunions quotidiennes rapides afin de faire le point sur les différents postes. Toutes les informations clefs, de performance, qualité et sécurité de la sucrerie y sont affichées « dans un souci de transparence et de responsabilisation des équipes ». Les réunions quotidiennes de quelques minutes seulement ont permis d’économiser du temps précieux aux chefs d’équipe pour le reste de la journée, estime Vincent Batteux. « L’entreprise est en train de se libérer. Les initiatives viennent des salariés eux-mêmes. L’objectif est de réduire les coûts de production mais aussi d’améliorer les conditions de travail ». D’ici 2022, la sucrerie espère réduire ses coûts de transformation de la betterave de 15 à 20 %. Une recette progressivement adoptée par les autres sucreries de Tereos.

Adrien Cahuzac