Les cours du sucre brut se sont repris, fin mai début juin. Si les premiers jours de mai ont emporté le sucre roux sous les 12 cts/lb, il approche désormais les 12,8 cts/lb. Le sucre blanc peine à suivre le rythme et reste sous les 340 $/t, avec une prime de blanc (différence entre ces deux qualités de sucre) historiquement basse : sous les 55 $/t.

Il faut dire que le retard des pluies en Inde pourrait faire penser à un début d’évènement El Niño. N’est-ce qu’un évènement de “weather market”, c’est-à-dire une fébrilité du marché aux moindres informations météos, ou se passe-t-il quelque chose ? Les fondamentaux pousseraient vers la seconde hypothèse : de l’autre côté du globe, dans le même temps, l’allocation de la canne vers l’éthanol atteint un nouveau record au Brésil, à 33 % sur les deux premiers mois de la campagne. Dans le pays, la campagne connaît un léger retard : 5 % de canne en moins ont été écrasés, par rapport à la même époque, l’an dernier. Mais cette moindre allocation de la canne destinée à la production de sucre accentue l’effet sur le cours, avec une baisse du sucre de 12 %.

Dès lors, certains analystes anticipent que le déficit annoncé pour 2019-2020 (1,5 Mt selon FoLicht) pourrait être plus important que prévu. C’est ce qu’estiment probablement les spéculateurs qui réduisent massivement leurs positions à la vente : ils étaient nets-vendeurs de presque 10 Mt fin mai, ils ne le sont désormais que de 7 Mt. Du côté européen, le marché spot reste au-delà des 430 €/t en équivalent sortie usine française. Cela correspond à des volumes anecdotiques, mais permet de fixer un cadre pour les négociations relatives à la campagne suivante, davantage en faveur des vendeurs de sucre que des acheteurs. D’autant que le bilan européen se creuse encore : les chiffres du commerce extérieur sur les six premiers mois de campagne laissent à penser que le stock de fin de campagne pourrait être sous les 1,2 Mt, contre 2,6 Mt en moyenne 5 ans ! Et cela pourrait encore s’accentuer : l’éthanol européen a suivi la hausse des céréales et gagne 10 €/hl en trois mois. Désormais, si le sucre est sous les 405 €/t, il vaut donc mieux utiliser les betteraves à faire de l’éthanol, quitte à tendre encore davantage le bilan !

TIMOTHÉ MASSON, CGB