« Abeilles sauvages, syrphes et papillons. Voici les trois groupes d’insectes pollinisateurs », présente Gaëtan Rey du Conservatoire régional d’espaces naturels Nord-Pas-de-Calais. Avec 985 espèces en France et 2 048 en Europe (20 000 dans le monde), les abeilles sauvages représentent le plus grand groupe des pollinisateurs. Mais attention, la dénomination « abeille sauvage » comprend abeilles, bourdons et guêpes. Et l’abeille mellifère ne représente qu’une seule espèce.

Une biodiversité en danger

Cette diversité existe aussi dans les modes de vie : 90 % des espèces d’abeilles sont solitaires et 10 % sociales et eusociales (avec reine, ouvrières). La période de vol varie aussi. Certaines espèces volent toute l’année, d’autres au printemps ou en automne, certaines en été.

« Cinq pour cent des abeilles sauvages nichent dans les hôtels », s’amuse l’expert, c’est à dire dans le bois et tige. Quatre-vingt pour cent des abeilles nidifient… dans le sol ! Elles préfèrent un sol nu qui se réchauffe vite. D’où l’importance de garder ce type de zones.

La variété se trouve aussi dans les régimes alimentaires. Les insectes à longue langue exploitent les fleurs profondes et tubuleuses, quand leurs congénères à langue courte se contentent des fleurs simples courtes et ouvertes, comme le pissenlit. La moitié des abeilles sauvages se nourrissent d’une large gamme de fleurs, alors que 16 % ont une forte appétence pour une seule espèce. Un tiers des espèces sont même spécialisées dans une seule famille de fleurs, voire d’une seule espèce.

Dans les Hauts-de-France, les spécialistes estiment à quatre cents le nombre d’espèces d’abeilles sauvages, dont 91 seraient en phase d’extinction ou de déclin. Sur 21 espèces de bourdons notées en 2000, neuf ont disparu et sept sont très rares.

Les syrphes, auxiliaires précieux des cultures, sont aussi très diversifiés. Leurs choix floraux moins spécifiques que ceux des abeilles les entraînent vers des fleurs « plates » et ouvertes. Sur les 210 espèces des Hauts-de-France, 20 % des espèces de syrphes sont menacées et 50 % colonisent moins de cinq stations régionales. Enfin, sur huit cents espèces régionales de papillons de nuit, 275 sont rares à exceptionnelles. Et 40 % des 91 espèces de papillons de jour sont en danger en Picardie, contre 23 % dans le Nord-Pas-de-Calais.

Un rôle économique important

Pourtant ces insectes apportent un service économique et esthétique énorme : leur travail représente 103,9 millions d’euros dans la région des Hauts-de-France pour l’alimentation humaine. À quoi il faut ajouter leurs contributions pour les biocarburants et la nourriture destinée à l’élevage. Ils pollinisent aussi 75 à 80 % des fleurs sauvages.

« La dépendance des plantes à ces pollinisateurs va de 95 % pour les courges, melons ou kiwis, à 35 % pour les cerises, 25 % pour les fèves, 5 % pour les haricots et », estime Nicolas Cerutti, de Terres Inovia. Pour le colza, la pollinisation par les abeilles oscille de 0 à 30 %, le vent assure 3 à 12 % et l’autopollinisation passive de 53 à 83 %, avec un effet variétal important. Les études sur des apports de ruches dans le colza indiquent des résultats d’augmentation de fructification très variables (de 0 à 30 %). Une étude sur canola avec apport de bourdons pointe une augmentation de la production grainière au détriment des racines et de la masse foliaire, et moins de grains verts à la récolte. Une autre expérience indique un gain de qualité des huiles. Le maintien de la biodiversité est toujours gagnant !

Marie-Pierre Crosnier

985

Nombre d’espèces d’abeilles sauvages en France

Quelques pratiques gagnantes

• Semer tôt les cultures intermédiaires (moutarde blanche, phacélie, radis, sarrasin, tournesol, trèfle d’Alexandrie, etc).

• En jachère, favoriser des plantes permettant une période de floraison la plus étalée possible, si possible pérennes.

• Conserver les éléments paysagers (haies multistrates, prairie, talus, arbre isolé, etc.

• Protéger les surfaces et lisières forestières.

• Entretenir la diversité floristique dans les prairies.

• Associer des légumineuses au colza (trèfle blanc, lotier corniculé). Après la récolte du colza, elles offriront leur floraison automnale.

• Toujours privilégier les espèces mellifères d’origine locale dans les jachères, prairies, bandes fleuries, bords de champs, bandes tampons.

• Préserver des zones refuge tournantes ou de petites surfaces non fauchées, non pâturées.

• Garder un maillage diversifié de cultures, prairies, éléments paysagers, etc.