Quels impacts pourraient avoir la crise du coronavirus sur les matières premières ?

Les marchés mondiaux subissent de plein fouet les conséquences de cette crise avec, en plus, pour le pétrole, un contre-choc déclenché le 7 mars par la décision de l’Arabie saoudite de casser le marché et d’ouvrir les vannes de sa production. L’effondrement du prix du pétrole a des conséquences sur la compétitivité de l’éthanol et du biodiesel. Le prix du maïs est au plus bas et le sucre s’approche des 10 cents la livre. En revanche, je ne pense pas que le coronavirus aura un impact important sur les marchés agricoles, sauf par un effet de capillarité générale lié aux marchés financiers.

Comment voyez-vous la suite ?

Alors que les statistiques chinoises pour janvier et février ont fait l’effet d’une douche froide (-13,5 % pour la production industrielle, -24,5 % pour les investissements, -23,7 % pour les ventes de détail), le niveau des importations est resté curieusement relativement élevé.

Si la plupart des matières premières ont vu leur prix baisser (comme le platine ou le palladium avec l’arrêt de l’industrie automobile) le prix du minerai de fer est resté à des niveaux élevés, un peu comme si les marchés anticipaient la sortie de crise de la Chine ! La crise a débuté là-bas à la mi-décembre et elle est aujourd’hui à peu près terminée. Un certain nombre de matières premières risque de profiter de la reprise chinoise, comme le fer ou le charbon à coke.

Quel sera l’impact en termes de PIB pour l’économie mondiale ?

Ces derniers jours, les économistes ont drastiquement révisé leurs prévisions. Même en tenant compte des dépenses publiques en forte hausse pour la santé et d’un mois de mars peut être un peu meilleur, la croissance chinoise au premier trimestre 2020 devrait être en recul d’au moins de 6 %. C’est là un indicateur de ce qui attend l’Europe et les États-Unis. Sachant qu’avant la crise du coronavirus, le Japon, l’Allemagne et l’Italie étaient en récession, il n’est pas sorcier d’anticiper une récession généralisée en Europe, d’une amplitude comparable à celle de 2008-2009. Pour un pays comme la France, ce pourrait être même pire. (NDLR : L’Insee chiffre la baisse de la croissance française engendrée par un mois de confinement à 3 points de PIB annuel, une prévision qui doublera si le confinement est deux fois plus long).

Que dit cette crise de notre société ?

Nous venons de prendre conscience que « l’économie Monde » couvre l’intégralité de la planète. Le temps de la mondialisation heureuse, marquée par la suprématie du modèle libéral, est derrière nous et cela réinscrit de manière assez forte ce qui était les impératifs du « bien commun ». Un débat sur l’État-providence va s’ouvrir. On le voit avec le coronavirus et le débat sur l’hôpital : au Japon, il y a 12 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants, 11 en Corée du Sud, 8 en Allemagne, 6 en France, 3 en Italie et 2 aux États-Unis ! Les médecins retrouvent du pouvoir à l’hôpital face au poids administratif. Peut-être retrouverons-nous un peu d’humain dans un état providence nécessaire.

Je vous invite à relire une phrase du pape Jean-Paul II qui disait, dans son encyclique Centesimus Annus, qu’avant toute logique des échanges à parité de marché, il y a un dû à l’homme parce qu’il est homme en raison de son éminente dignité. Voilà une belle idée à méditer en cette période de grand confinement.

Au moment où l’Europe nous a infligé des choix libéraux, notamment pour l’agriculture, en abandonnant toute gestion des marchés, le moment est peut-être venu de reconsidérer la place et le rôle de l’État dans les politiques agricoles.

Vous pensez donc que les futures politiques agricoles pourraient être réorientées après cette crise ?

Non, je ne le pense pas. Je dis simplement que cela pourrait être une occasion qui nous est offerte de réfléchir au champ du « bien commun » qui s’est effacé face à la main invisible du marché, laquelle est aveugle. L’encadrement des marchés agricoles ne coûtait pas bien cher et garantissait finalement le « bien commun ». J’ai fait partie de ceux qui ont hurlé quand les quotas sucriers ont été abolis. C’était certes irréversible mais idiot !

Propos recueillis par François-Xavier Duquenne