Le groupe américain McCain, principal acheteur de pommes de terre pour la transformation en France, fait face à une forte baisse de ses ventes dans l’Hexagone. En cause : l’arrêt des ventes à la restauration hors domicile (RHD) dont l’activité s’est complètement interrompue avec la fermeture des restaurants et fast-foods le 14 mars à minuit. Elles représentaient jusqu’à présent 75 % des débouchés du groupe en France. Ses quatre usines sont aujourd’hui en fortes difficultés. L’activité de frites surgelées est totalement à l’arrêt à Matougues (Marne) et Béthune (Pas-de-Calais). Seule l’usine d’Arnes (Pas-de-Calais) fonctionne encore mais sur une seule ligne : celle produisant des frites pour la grande distribution. En revanche, les fabrications de fécules de pommes de terre continuent à fonctionner partout. « Il y a 400 000 à 500 000 tonnes de pommes de terre sans débouchés sur le marché français aujourd’hui. La part de McCain se situe autour de 150 000 tonnes », estime Christian Vanderheyden, directeur des approvisionnements en pommes de terre chez McCain pour la France et la Belgique. Plusieurs pistes de dégagement sont étudiées. Le groupe et l’ensemble de la filière, en particulier le groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT), préparent des transferts vers l’alimentation animale, la méthanisation, le compostage et les féculeries. Ces dernières pourraient avancer leurs dates de réouverture.
Une réduction de 10 à 20 % des surfaces
Des ventes vers le frais en grandes surfaces et en surgelés sont également étudiées. « Mais ce ne sont pas les mêmes variétés, ni les mêmes conditionnements. Ce ne pourra se faire qu’au cas par cas et sur de faibles volumes », prévient Christian Vanderheyden. Les variétés Innovator et Russet, pour les chaînes de restauration rapide, sont particulièrement concernées. En attendant, McCain a assuré qu’il respecterait ses engagements auprès des agriculteurs, pour les volumes sous contrat à prix défini. Le transfert des volumes non transformés vers d’autres débouchés sera pris à sa charge. « En revanche, les surplus des producteurs sous contrat ne seront pas achetés », explique Bertrand Achte, président du groupement d’agriculteurs producteurs de pommes de terre pour l’industrie McCain (Gappi).
Prévoyant aussi le report de certains volumes non vendus vers la saison prochaine, McCain a obtenu de ses producteurs une réduction de 20 % des emblavements ce printemps pour les variétés hâtives, récoltées entre fin juillet et fin août. « Une baisse des surfaces de 10 à 15 % a également été demandée aux producteurs pour les pommes de terre de conservation, sur la base du volontariat », ajoute Bertrand Achte. Certains ont augmenté leurs semis en maïs et légumes d’industrie pour compenser. « Mais pour beaucoup, cela est difficile, car ils n’ont pas d’autres solutions », poursuit Christian Vanderheyden. En attendant, la filière attend plus que jamais un soutien public pour le stockage privé et le transfert vers d’autres débouchés. A ce jour, Bruxelles a seulement accordé une dérogation de six mois aux règles de concurrence et une autorisation de stockage par des opérateurs privés.
Adrien Cahuzac