C’est la mauvaise nouvelle de ce printemps. Dès la mi-avril, les pucerons verts se sont mis à pulluler dans les champs, s’en prenant à de jeunes plantules d’à peine deux feuilles. La carte interactive « Alerte pucerons ». « Ils sont arrivés dans toute la France à une vitesse phénoménale », constate Alexandre Quillet, président de l’ITB. Pour l’Ascension, trois traitements insecticides étaient déjà effectués en Picardie. « Je regrette énormément la protection des néonicotinoïdes qui était parfaite pour anticiper tout problème de productivité et de compétitivité de la betterave. Encore heureux que nous avions demandé et obtenu des alternatives efficaces en 2018 avec le Teppeki et le Movento ; ce n’était pas gagné à l’époque », se rappelle-t-il.

L’efficacité de ces deux produits sur les pucerons semble au rendez-vous (voir p. 17), mais on ne sait pas si les betteraves n’ont pas tout de même été contaminées par le virus. La pression est tellement forte que les seuils d’intervention de 10 % étaient bien souvent dépassés. Chaque puceron « met au monde » entre deux et quatre petits par jour et les planteurs ne sont pas constamment dans leurs betteraves. En plaine et sur les réseaux sociaux, le mécontentement des planteurs augmente aussi vite que la pression des pucerons verts. Le stress aussi : « Je ne sais pas si j’arriverai à la couverture du sol avec les trois traitements réglementaires », se demande Jean-Armand Doublier, planteur à Bricy (Loiret). Les trois traitements autorisés permettent en théorie de tenir 42 jours. Si l’on commence au stade deux feuilles et que les levées sont hétérogènes, il devient difficile de protéger toutes les betteraves avant la couverture du sol.

En attendant les tests

Comme pour la Covid-19, la demande de test est forte pour savoir si les pucerons sont porteurs du virus ou non. L’idéal serait de traiter avec ces produits coûteux (26 €/ha pour le Teppeki et 39 €/ha pour le Movento) seulement si les pucerons sont virulifères. Deux types de test existent : les tests moléculaires réalisés par l’Inrae sont rapides, précis mais chers. Manque de chance, les laboratoires étaient fermés pour cause de confinement.

De son côté, l’ITB pratique des analyses sérologiques moins pointues et prenant plus de temps (trois jours). « Si on ajoute l’envoi de l’échantillon, les pucerons ont largement le temps de se multiplier, constate Fabienne Maupas, responsable du département technique et scientifique de l’ITB. Pour 2020, il n’y a pas de regret à avoir : la pression était telle qu’il fallait traiter dans toutes les régions. » L’institut britannique de la betterave, le BBRO, en pointe sur ce sujet, a montré que 0,65 % des pucerons étaient virulifères en début d’année et que ce chiffre était suffisant pour causer des dégâts conséquents ! « Concrètement, cela veut dire qu’il faut prélever trois cents pucerons pour avoir un résultat fiable ; le prélèvement des pucerons à la parcelle n’est pas simple », explique Fabienne Maupas.

À quoi servent alors ces analyses ? « À mieux comprendre ce qui s’est passé pour préparer l’avenir, répond Alexandre Quillet. On peut imaginer cartographier les différentes régions pour décaler le premier traitement ou faire l’impasse, comme on aurait pu le faire peut-être en 2019 en Champagne. » L’ITB est en train de prélever des feuilles dans des parcelles ciblées, à différents stades, en notant le taux d’infestation des pucerons. « On pourra analyser ainsi la dynamique de progression du virus à l’intérieur de la feuille. Ces connaissances permettront de conseiller l’agriculteur sur l’application des produits, car il faut préserver l’arsenal chimique et repousser le plus possible les phénomènes de résistances qui apparaîtront tôt ou tard », ajoute Fabienne Maupas.

En février 2021, l’ITB utilisera aussi les tests sérologiques sur les résidus de déterrage et des adventices qui hébergent les virus pendant l’hiver. L’année prochaine, nous connaîtrons le risque potentiel avant les semis. À l’avenir, l’ITB espère que la méthode d’amplification isotherme de l’ADN puisse déboucher sur des kits de détection au champ pour obtenir une réponse en temps réel.

Biocontrôle et lutte génétique

L’Institut recherche aussi des solutions alternatives aux insecticides : « Nous avons testé de nombreux produits. Un champignon (Lecanicillium muscarium) a montré une efficacité intéressante, mais son application est contraignante car on doit traiter tous les huit jours avec de gros volumes de bouillie », explique Fabienne Maupas.

Pour le futur, les espoirs se tournent vers la lutte génétique. « Nous avons déposé une première variété au CTPS [ndlr : Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées] en 2019, révèle Jan Sels, sélectionneur chez SESVanderHave. La première année d’essai a montré des résultats intéressants qu’il faut confirmer. Mais ce n’est pour l’instant qu’une solution partielle qui limite la multiplication du virus et qui aura un léger impact sur la productivité en absence de virus. » La diversité des virus présents en Europe rend le travail des sélectionneurs difficile car il faut une tolérance à chacun d’eux.