Depuis 2006, bailleur et preneur peuvent conclure un bail cessible hors cadre familial. Jusque-là, la loi permettait de transmettre aux seuls conjoint, partenaire pacsé participant à l’exploitation ou descendants, ce qui pouvait conduire au démantèlement des exploitations sans successeur et à l’obligation pour les jeunes qui s’installent hors cadre de construire une entreprise à chaque génération.
Des conditions attractives
Le bail rural cessible hors cadre familial a une durée minimale de 18 ans. À défaut de congé délivré par acte d’huissier 18 mois avant la fin du bail, le contrat est renouvelé pour une période de neuf ans. Il doit être passé sous la forme authentique (devant notaire) et mentionner expressément l’accord des deux parties à se soumettre aux dispositions particulières des baux cessibles. Ces dispositions sont redoutées par les bailleurs et les preneurs, souvent par méconnaissance de l’outil.
Le monde agricole a aussi des difficultés à accepter le changement radical d’une approche entrepreneuriale. Certains propriétaires aiment choisir leur fermier et restent très attachés à leurs terres. Pourtant, de plus en plus d’investisseurs cherchent un placement liquide et rentable, qu’ils trouvent avec le bail cessible. Le fermage est en effet majoré jusqu’à 50 % du montant maximal prévu par arrêté préfectoral pour les baux à long terme. En cas de vente, le preneur qui exerce son droit de préemption renonce à engager une action judiciaire en révision du prix. Et au moment de la cession du bail, le contrat peut prévoir que le propriétaire pourra acquérir par préférence le bail cédé isolément.
Révisé par la loi de modernisation de 2010, puis par la loi d’avenir de 2014, le bail cessible autorise aussi l’application de droits d’entrée (pas-de-porte).
Une approche entrepreneuriale
Pour l’agriculteur, le bail cessible est une chance. Dans un monde agricole en perpétuel mouvement, il devient chef d’une entreprise comme les autres, avec des activités variées et, souvent, des enfants qui ne reprennent pas ou n’ont pas la possibilité. Le bail cessible, associé au fonds agricole, est alors la garantie de transmettre une entité économique dans son ensemble, sans risque de démantèlement et de valoriser ainsi le travail d’une vie.
En effet, le preneur peut céder son bail sans demander l’autorisation au bailleur. Il doit toutefois l’informer par lettre recommandée avec accusé de réception. Celle-ci doit mentionner l’identité du cessionnaire et la date de cession prévue. À défaut, le preneur encourt la nullité du bail mais aussi, à la demande du bailleur, sa résiliation. Le bailleur peut aussi s’opposer à la cession en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux dans les deux mois de la réception de la notification du preneur. Il doit justifier d’un motif légitime.
Une indemnité dissuasive
Le bailleur peut mettre fin au contrat en délivrant un congé dans les conditions habituelles, mais sans justifier d’un motif particulier. En contrepartie, il est tenu de verser au preneur, en plus de l’indemnité pour amélioration du fonds, une indemnité d’éviction, comme pour le bail commercial. Son évaluation correspond au préjudice subi, ce qui permet d’inclure notamment, sauf si le bailleur apporte la preuve que le préjudice est moindre, la dépréciation du fonds du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur.
Aucune indemnité n’est due en cas de faute du preneur tel un défaut de paiement du fermage, des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ou le non-respect des clauses environnementales.
Le bail cessible, qui peine encore à percer, est le plus équilibré des baux ruraux. Il mérite d’être examiné de près, même en famille. En effet, à ce jour, voir son congé pour reprise contesté devant le tribunal peut entraîner une procédure sur dix ans et parfois remettre en cause l’installation du descendant du bailleur. Côté preneur, c’est la reprise par le neveu ou le cousin, par exemple, qui devient possible grâce au bail cessible.