S’il n’existe pas de solution universelle, il reste plusieurs voies possibles pour le défanage. L’option mécanique s’adapte bien aux fortes végétations. Les dessicants permettent de gérer des feuillages moins développés ou sénescents.
Depuis l’arrêt des produits défoliants (Basta et Réglone), il ne reste plus que des dessicants pour défaner les pommes de terre : Spotlight Plus et Sorcier. Ces deux produits ne permettent pas l’arrêt de végétation, contrairement aux défoliants. Si Spotlight Plus et Sorcier peuvent convenir sur une végétation réduite, le recours au broyage des fanes se révèle quasi indispensable sur des variétés à fort développement. À combien s’élève l’addition ? Le coût final est souvent plus élevé. En effet, « la substitution d’un défanant chimique à un broyage engendre des coûts supplémentaires de l’ordre de 35 €/ha, soit 0,70 €/t », selon l’estimation réalisée sur le réseau de fermes suivies par la d’agriculture des Hauts-de-France avec le logiciel Systerre.

Broyage : effet immédiat

À son actif, la solution du broyage offre la rapidité d’action la plus sûre, en détruisant 80 % du feuillage, tout en diminuant l’indicateur de fréquence de traitements sanitaires (IFT) pommes de terre de 15 % en moyenne. Le passage de broyeur a un autre avantage : en une seule fois, il jugule de façon nette la prise de calibres et de matières sèches. Il convient aux cahiers des charges des calibres compacts, par exemple pour les tubercules « chair ferme » ou les plants. Pour que le broyage donne de bons résultats, il faut cependant des conditions d’intervention précises : un sol ressuyé et une végétation bien dressée et saine, sans maladie. Comment augmenter le débit de chantier ? Le broyage devant s’effectuer à vitesse lente de 5 à 6 km/h, plusieurs constructeurs ont mis au point des broyeurs six rangs avec un débit supérieur aux broyeurs à quatre rangs. Même s’il est efficace, le broyage n’est pas la solution universelle. « Il montre ses limites sur certains chantiers, par exemple pour des plantations à 75 cm », note Michel Martin, spécialiste pommes de terre chez Arvalis : « Dans les parcelles où l’on pratique du barbuttage, il est nécessaire d’avoir une dent à l’avant du tracteur pour démonter les microbarrages et assurer un bon broyage. »

Dessicants en double passage : pour végétation modérée

Avec les dessicants disponibles, Spotlight Plus et Sorcier, la solution « tout chimique » peut aussi fonctionner. Ce mode de défanage convient à des variétés en début de sénéscence ou à faible volume végétatif. Cependant, l’application des dessicants impose des contraintes, en particulier un double, voire un triple, passage. Car un programme deux défanages a le plus souvent une efficacité moins rapide que le broyage. Autre contrainte : en défanage chimique, il faut passer plus tôt, cinq à sept jours environ avant le broyeur. De plus, pour être efficaces, les défanants doivent être appliqués pendant des journées ensoleillées.
Les essais de la chambre d’agriculture des Hauts-de-France ont comparé en 2019 différents programmes. Sur feuilles comme sur tiges, le programme Sorcier suivi de Spotlight semble donner le meilleur compromis, même si au final toutes les spécialités sont assez proches. « Le double Spotlight est un compromis acceptable ; par contre le programme Spotlight puis Sorcier est le moins performant », estiment les conseillers de la chambre. Le programme pivot préconisé repose sur un premier passage avec Sorcier 0.8 + adjuvant Actirob 1.6 l/ha et un deuxième passage sept à dix jours plus tard avec Spotlight 1l/ha. Ces préconisations s’entendent dans des situations standards, sur une végétation en sénescence. Le mélange double (Sorcier + Spotlight) en deux applications peut apporter un meilleur résultat dans des situations plus difficiles. Les essais montrent aussi qu’en augmentant le volume de bouillie de 200 à 400l/ha il est possible de gagner environ 10 % d’efficacité avec le Sorcier. L’adjuvant a aussi un effet positif, notamment l’Actirob B. Pour réussir l’application avec adjuvant, il est essentiel d’intervenir en bonnes conditions, c’est-à-dire le matin, pour profiter de l’humidité.

Passages combinés, la sécurité

Qu’il s’agisse de dessicants ou de broyage, chaque technique pose des limites. C’est pourquoi la combinaison des deux modes de défanage peut s’avérer sécurisante. Au premier passage, le broyage permet de bloquer net la croissance végétative et le grossissement des tubercules. Complétée en deuxième passage par un défanage thermique ou un dessicant, la double intervention apporte une solution pour arrêter la prise de matière sèche. Cette solution convient à des parcelles avec des végétations encore actives. Les essais montrent que le complément chimique après broyage va complètement freiner le métabolisme des plantes. Le dessicant peut s’appliquer soit pendant le broyage, soit dans les deux jours suivants. Il est possible de monter un pulvérisateur centrifuge porté à l’arrière du tracteur en complément d’un broyeur frontal ou une rampe arrière équipée de buses classiques. « Pour améliorer l’efficacité du défanant chimique, il est préférable d’opter pour un broyeur disposant de déflecteurs », commente Michel Martin d’Arvalis. « Le déflecteur concentre les débris de végétation dans les entre-buttes et dégage les tiges résiduelles qui absorberont mieux le produit. »