Première bataille remportée par la filière. Après des débats assez vifs dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, les députés ont finalement voté, le 6 octobre, en faveur du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire. Ce texte, soutenu par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, vise à réintroduire, de manière temporaire et encadrée, les néonicotinoïdes dans l’enrobage des semences de betteraves, afin de lutter contre la jaunisse transmise par les pucerons verts. Le projet de loi va permettre de recourir à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 21 octobre 2009, qui donne la possibilité aux États d’accorder une dérogation à l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes.

Record de votes contre chez LREM

Sur 527 votants, 471 suffrages ont éte exprimés et 313 députés ont voté en faveur du texte. Seuls 158 élus ont voté contre. Au sein du groupe La République en marche (LREM), seulement 175 de ses membres, sur 271, ont voté pour. 36 se sont abstenus et 32 ont voté contre, soit un nombre record depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Chez Les Républicains (LR), sur 104 députés, 67 ont voté pour, 21 contre et 9 se sont abstenus. « Malgré un certain nombre de votes contre, notamment de la part de députés de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Christian Jacob a réussi à rassembler son parti sur ce projet de loi. C’est en grande partie grâce aux voix des Républicains que le texte a pu être adopté à l’Assemblée nationale », explique Antoine Berthault-Barrenechea, consultant chez Séance publique, cabinet qui conseille la filière betterave-sucre.

Le rôle de conseil de surveillance précisé

Parmi les huit amendements adoptés dans l’hémicycle, sept précisent les attributions du conseil de surveillance, qui sera chargé du respect de la loi. Celui-ci sera constitué de quatre députés et quatre sénateurs, avec « une juste représentation des parlementaires de l’opposition ». Un des membres de chaque chambre devra faire partie de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Ce conseil de surveillance sera composé également du délégué interministériel de la filière sucre, et de représentants des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, du Conseil économique social et environnemental (Cese), d’associations environnementales, de syndicats agricoles, des filières de transformation de la filière sucre, de l’Institut technique de la betterave (ITB), de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP), et d’établissements publics de recherche, comme l’Inrae. Son organisation détaillée et son fonctionnement seront fixés par décret.

Ce vote a été une satisfaction pour la filière betterave-sucre. « L’adoption de ce projet de loi par l’Assemblée nationale constitue une étape importante dans le processus conduisant à la possible utilisation, en 2021, des néonicotinoïdes pour protéger les betteraves des pucerons et de la jaunisse. Cette possibilité dérogatoire est essentielle pour réussir la transition dans les trois ans qui viennent, en s’appuyant sur la mise en œuvre à la fois du plan de prévention de la filière et du plan de recherche ITB/Inrae », s’est félicité Franck Sander, le président de la CGB.

Au Sénat le 20 octobre

Après cette première étape réussie, le texte doit désormais être examiné au Sénat : d’abord, le 20 octobre, par la commission du développement durable pour avis, puis, le 21 octobre, par la commission des affaires économiques, saisie au fond. Le vote en séance publique devrait avoir lieu le 27 octobre, avant l’ultime étape, le passage devant la commission mixte paritaire (CMP) au cours des jours suivants. « Rien n’est assuré d’avance, même si la droite et le centre ont renforcé leur majorité au Sénat à la suite des élections sénatoriales du 27 septembre », estime Antoine Berthault-Barrenechea. La création très récente d’un groupe baptisé “Écologiste, solidarité et territoires” pourrait, en effet, donner du fil à retordre aux défenseurs du texte, à commencer par Sophie Primas, rapporteur pour la commission des affaires économiques. « Il sera intéressant de suivre les débats en commissions. Le texte pourrait demeurer inchangé, éventuellement être enrichi, voire simplifié », ajoute Antoine Berthault-Barrenechea. Réponse dans quelques jours.