« En quinze ans, le revenu moyen d’un betteravier du Loiret a diminué de 6 % par an. La baisse est plus forte que celle d’un céréalier, qui est de 3,4 % par an », constate Rémi Dumery, vice-président de Cerfrance Alliance Centre. Au-delà de l’année 2020, catastrophique, cela fait quatre ans que la question de la rentabilité des betteraves pose problème. « L’explication vient de la chute des prix, et aussi du rendement avec les attaques de cercosporiose depuis deux ans », poursuit le planteur du Loiret. Pour réaliser ses projections sur 2020, Cerfrance a pris comme hypothèse un prix de betterave de 22,30 €/t et un rendement de 54 t/ha à 16 °S. Les rendements céréaliers sont également en baisse : 65 q/ha pour le blé tendre et l’orge de printemps, 53 q/ha pour l’orge d’hiver. Au-delà des chiffres que l’on peut toujours contester, ce sont les tendances qui sont intéressantes à analyser.

Sans surprise, le chiffre d’affaires et le revenu plongent. Le produit brut tombe à l’un de ses plus bas niveaux depuis quinze ans (voir graphique). Heureusement, pour la récolte 2020, le prix des engrais et du fuel ont légèrement baissé. Mais les exploitations betteravières ont des niveaux de charges plus élevés que les grandes cultures Scop.

L’endettement (1 456 €/ha) est supérieur à celui des exploitations dans lesquelles la betterave n’est pas présente. Ce n’est pas tant le matériel dédié à cette culture que le niveau des investissements en général qui expliquait cette typicité des fermes betteravières. Les revenus procurés par la betterave permettaient d’investir régulièrement. Mais cette période est aujourd’hui révolue.

Les betteraves n’amortissent plus la baisse de revenu. Les projections 2020 font passer le résultat courant à zéro (voir graphique). Les traits en pointillé représentent les moyennes de résultats courants par unité de travail annuel familiale (UTAF) pour différentes périodes. Entre 2006 et 2009, une exploitation betteravière dégageait en moyenne 40 000 €. Puis, de 2009 à 2013, le résultat courant a été divisé par deux. Et il l’a été une nouvelle fois de 2013 à 2020.

11 % dans une situation critique

Un tiers des exploitations procure un revenu par UTAF compris entre 0 et 10 000 € et 15 % entre 10 000 et 20 000 €. Soit des revenus équivalents au Smic. On compte même 35 % des exploitations qui ont un revenu disponible par UTAF négatif ! « Cela pèse sur le moral, car il n’y a pas eu de rattrapage depuis l’année 2016, catastrophique pour les céréales », déclare Rémi Dumery.

La santé financière des exploitations se dégrade lentement au fil du temps. Si 64 % d’entre elles parviennent à conserver un niveau de risque “moyen ou nul” en 2020, 11 % se trouvent dans une situation critique. « Il risque d’y avoir des cessations d’activité l’année prochaine », craint le dirigeant de Cerfrance Alliance Centre.

Claude Rameau : « J’ai absolument besoin des aides de minimis »

« J’ai très mal vécu cette campagne », nous confie ce planteur de Bondaroy (Loiret), installé sur une exploitation de 120 ha, dont 22 ha de betteraves. C’était pourtant bien parti avec des semis au 20 mars, mais, très vite, les pucerons sont arrivés. Les deux traitements au Teppeki et au Movento ont été un échec total. À la récolte, les betteraves ne couvraient pas le sol. Une parcelle de 4,5 ha non irriguée a été réceptionnée à Pithiviers avec un rendement de 24 t/ha. Sur les autres parcelles irriguées (220 mm), Claude Rameau a récolté 60 t/ha. « Je vais perdre plus de 1 000 €/ha de chiffre d’affaires. L’année prochaine, j’arrête les betteraves non irriguées, même si les néonicotinoïdes sont autorisés. » Ce betteravier a souscrit une assurance avec un rendement historique de 105 t/ha. Les experts ont affecté 30 % de perte à la jaunisse. « Avec la franchise et le rendement moyen de l’exploitation, qui est à 51 t/ha à 16 °S, je ne vais pas toucher l’assurance sécheresse. J’ai absolument besoin des aides de minimis pour la jaunisse. »