Le gouvernement avait neuf mois pour publier un décret modifiant sa transposition de la directive 2001/18 sur les OGM (lire Le Betteravier français n°1106, page 4). Le Conseil d’État avait jugé dans un avis paru le 7 février que les organismes obtenus par mutagenèse dirigée et mutagenèse aléatoire, dits NBT (New Breeding Technologies), devaient être soumis à la réglementation européenne sur les OGM, suite à des recours de syndicats et d’associations, notamment de la Confédération paysanne. Mais, neuf mois plus tard, rien ou presque. « Le gouvernement est pris entre deux feux, celui du Conseil d’État et celui de la Commission européenne », explique Claude Tabel, le président de l’Union française des semenciers (UFS). En effet, selon notre confrère d’Agriculture et Environnement (A&E), la Commission a qualifié cet été, dans un avis circonstancié, le projet de décret français non conforme au droit européen. « La décision du Conseil d’État prévoit une distinction entre mutagenèse aléatoire in vitro et in vivo, laquelle distinction n’est étayée ni par la décision préliminaire de la Cour de justice dans le cadre de l’affaire C-528/16 Confédération paysanne e.a., ni par la législation de l’UE, ni par les avancées scientifiques de telles techniques », estime-t-elle. En clair, si le gouvernement souhaitait publier son décret, entraînant une distinction dans l’inscription de variétés obtenues par mutagenèse in vivo et in vitro, sans tenir compte des objections de la Commission, cela mènerait à des distorsions de concurrence et à une violation du droit européen.

Des semences de colza en sursis

Si le décret français était publié, certaines variétés pourraient être retirées du catalogue des variétés en France. « Environ 5 % de la production de semences de colza sont concernés mais pas de tournesol », estime Claude Tabel. Du colza pourrait être classé OGM en France, mais pas en Allemagne avec, au final, une interdiction d’importer, craint-il. Pour l’instant, l’heure est donc au statu quo. En attendant l’issue de ce démêlé franco-européen, l’UFS, qui tenait son assemblée générale le 5 novembre, mise beaucoup sur l’étude de la Commission européenne à propos des nouvelles technologies de sélection génétique. Les résultats sont attendus pour avril 2021 et pourraient ouvrir la porte à une révision de la directive 2001/18, qualifiée d’« obsolète » par les semenciers.

Incertitude réglementaire en Europe

L’UFS fonde de gros espoirs dans cette refonte. Dans le cadre de l’association Euroseeds, une enquête a été menée entre janvier et mai auprès de 62 entreprises obtentrices, sur les usages de ces nouvelles méthodes de sélection. Il apparaît que la valeur agronomique (25 %) et la tolérance aux maladies et ravageurs (23 %) sont les principaux bénéfices attendus par les entreprises. La tolérance aux herbicides ne représente que 5 % des réponses.

Trois freins majeurs ressortent quant au développement de ces techniques : les coûts et les délais d’homologation des variétés si elles sont assimilées à des OGM, l’imprévisibilité réglementaire et l’acceptation sociétale. Pour ces raisons, 45 % des PME et 33 % des autres entreprises ont amendé leurs projets en raison de la situation réglementaire en Europe depuis juillet 2018. L’enquête révèle que de nombreux programmes de recherche ont été stoppés ou reportés et les débouchés de produits relocalisés dans des pays non européens.