Les aides promises arriveront-elles pour Noël ? Rien n’est moins sûr. La filière pomme de terre est toujours dans l’attente des aides promises en juin par l’ancien ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, pour faire face aux conséquences de la Covid-19. « Six mois après, nous n’avons toujours rien. Nous ne sommes pas en mesure de dire où sont passés les 10 millions d’euros promis », a déploré, le 9 décembre, Christian Vanderheyden, le président du Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT), lors de l’assemblée générale de l’interprofession. Ces aides avaient été annoncées pour répondre aux pertes de marché suite à la fermeture de la restauration hors domicile et au transfert de volumes vers la méthanisation et l’alimentation animale.

« Le ministre aux abonnés absents »

Depuis, après le changement de ministre le 6 juillet, seuls 4 millions d’euros ont été confirmés par le ministère de l’Agriculture début novembre, pour aider les producteurs hors contrat uniquement. « Le compte n’y est pas », avaient alors clamé les professionnels. Mais, depuis, la filière ne voit rien venir. « Nous avons un problème avec le ministère. Le nouveau ministre est aux abonnés absents. Nous n’avons pas l’habitude d’arpenter les couloirs du ministère. Nos dernières grandes difficultés datent d’il y a vingt-cinq ans », a déclaré Christian Vanderheyden. Une colère également présente chez les producteurs. « On pensait que le gouvernement nous avait entendus, mais aujourd’hui nous n’avons toujours rien », a renchéri Geoffroy d’Évry, le président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT).

« 4 millions d’euros ont été fléchés pour aider les agriculteurs. Mais ça bloque dans la mise en œuvre, notamment à cause de la complexité des organisations de producteurs », a répondu Marie Ducamp Collard, représentante du ministère de l’Agriculture, lors de l’assemblée générale du 9 décembre. Selon le GIPT, il s’agirait d’un problème lié au transfert de propriété entre ces organisations de producteurs et les producteurs de pomme de terre, a expliqué le GIPT. Un plan bâtiments devrait également venir en complément, via le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAEA), prévu dans le second pilier la PAC. Mais aucune date de mise en place n’est officiellement annoncée pour l’instant.

Maintenir les aides couplées sur la fécule

Toute la filière des pommes de terre s’impatiente, d’autant que le second confinement a accentué les difficultés des entreprises. « Nous espérons que l’impact sera moins important que lors du premier confinement. Mais il va y avoir besoin d’un soutien supplémentaire alors que nous n’avons même pas reçu le premier », a insisté Geoffroy d’Évry, qui craint une répercussion en 2021 sur les contrats entre industriels et producteurs, avec des prix fortement en baisse.

En attendant, la filière milite aussi pour un accompagnement sur la production de fécule, qui rassemble 1 490 producteurs en France pour 23 600 ha (+ 3,5 % en 2020). Selon le GIPT, l’objectif reste toujours d’augmenter la production à 1,5 million de tonnes. Elle ne devrait atteindre que 969 174 tonnes sur la campagne 2020-2021, contre 981 635 tonnes en 2019-2020. « Le secteur a été très touché par la sécheresse, avec une baisse de rendement de 20 % en cinq ans. On mise sur de nouvelles variétés », a détaillé Christian Vanderheyden. La filière demandera le renouvellement, voire un renforcement, des aides couplées dans le cadre de la future PAC.

Des usines en souffrance

Après une forte reprise en juillet, les usines françaises de transformation de pommes de terre ont connu un nouveau plongeon de leur activité avec – 28,4 % en août, – 14,1 % en septembre et – 10,9 % en octobre, selon les chiffres communiqués par le GIPT. L’impact de la fermeture de la restauration hors domicile a été très important sur l’activité du secteur.

Près de la moitié des débouchés de la filière pommes de terre pour produits transformés viennent de la restauration hors domicile. « Pendant le confinement, les consommateurs se sont rués sur les pommes de terre fraîches et transformées en grandes surfaces, surtout les flocons et les chips, mais cela n’a pas suffi à compenser les pertes de volumes de la restauration hors domicile », a expliqué Bertrand Ouillon, le délégué général du GIPT. Le secteur des surgelés a visiblement le plus souffert, avec une baisse de production de 40 000 t par mois durant le confinement du printemps. Les exportations de pommes de terre d’industrie vers la Belgique et les Pays-Bas ont également fortement chuté, avec un recul de 70 000 t au mois de mai par rapport au même mois de 2019.