Sur les plateformes Syppre, les instituts techniques testent des techniques « de rupture » : « on ose remettre en cause les systèmes de culture », explique Vincent Laudinat, directeur général de l’ITB. Les rotations sont longues, et surtout les dispositifs sont transposables aux agriculteurs d’une même région. Les systèmes s’attachent aussi à concilier les performances agronomiques et la rentabilité. « Trois ans, c’est trop court pour atteindre tous les objectifs, nous sommes en situation de transition », explique Clotilde Toqué d’Arvalis. « Déjà, nous avons réussi à améliorer des performances techniques et environnementales ».

Bilan positif pour l’azote et les gaz à effet de serre (GES)

Des objectifs ambitieux de réduction des intrants sont atteints sur plusieurs systèmes innovants testés en Picardie, en Champagne et dans le Berry. L’Indicateur de Fréquence de Traitements phytosanitaires (IFT) a été diminué de 27 % par rapport à la référence régionale sur la plateforme d’Estrées-Mons en Picardie. Le système innovant, avec semis précoce du colza au strip-till, permet presque toujours d’éviter un insecticide contre les altises. Autre réussite : depuis trois ans, la quantité d’azote minéral apportée a été réduite de 29 % en Champagne. Elle baisse de 30 % en Picardie où la rotation de neuf ans teste l’introduction de légumineuses en culture principale, culture associée ou interculture, pour capter de l’azote. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué d’environ 20 % sur les plateformes en Champagne et en Picardie. Enfin, la fertilité du sol fait partie des objectifs atteints, en particulier dans le Berry, dans des terres à faible réserve utile.

Le « zéro glyphosate » en test

Compte tenu de l’interdiction possible du glyphosate en 2022, les plateformes Syppre ont testé des alternatives ayant un faible impact économique. S’il est possible de supprimer l’usage du glyphosate, c’est avec plus ou moins de succès, en étant parfois obligé de revenir à un travail du sol profond… Dans le système innovant du Berry, le semis direct de céréales d’hiver sans glyphosate a été possible en conditions sèches à l’automne et sur des précédents tournesols peu infestés. Cependant, la stratégie s’est avérée impossible à l’automne 2019, en présence de vulpin et de géranium : compte tenu des pluies incessantes, les destructions mécaniques n’ont pas pu être appliquées et elles n’auraient pas été efficaces. Par ailleurs, sur plusieurs plateformes, le glyphosate a dû être utilisé en dernier recours, avant des semis de printemps en conditions très humides.

Nouvelles cultures à adapter

C’est avec plus ou moins de réussite que les plateformes testent aussi l’introduction de nouvelles cultures et intercultures dans les rotations. L’introduction de la féverole a par exemple été un échec en Picardie et le tournesol n’a pas donné de rendement dans la Marne. L’association pois – blé essuie aussi un revers en Champagne et dans le Berry, à cause des problèmes de désherbage. « Les blés suivant cette association dans la rotation sont pollués par les vulpins et entraînent trop de pertes », note Gilles Sauzet, ingénieur chez Terres Inovia. Autre déception dans le Berry : le bilan des cultures dérobées n’est pas concluant dans le cas du sarrasin et de la cameline. Ces exemples montrent que certains leviers sont encore à ajuster ou, carrément, à abandonner.

Rentabilité à réévaluer

Au bout de trois ans, le volet économique de Syppre ne livre que des données partielles. Il faut l’avouer, la rentabilité reste décevante jusqu’à présent en Champagne et en Picardie avec une marge diminuée par rapport au système témoin. Les sécheresses de 2019 et de 2020 ont certes diminué les potentiels. Et des accidents sur culture à risque ont plombé les résultats, là où les systèmes conventionnels des agriculteurs conservaient une bonne robustesse. « Nous observons soit des manques de productivité, soit de nouvelles cultures mal maîtrisées dans les systèmes innovants », observe Clotilde Toqué. « Une dizaine d’années de recul seront nécessaires pour dégager les stratégies payantes et changer les systèmes agricoles ».

« Déjà de bonnes réponses en Champagne »

Point de vue de Rémy Duval, responsable adjoint du département technique et scientifique de l’ITB

Plusieurs résultats ressortent déjà de la plateforme Syppre de Champagne, co-construite avec les agriculteurs. « Nos priorités reposaient sur la baisse des apports d’azote minéral et des GES. Nous obtenons déjà de bonnes réponses avec -29% d’N et -22% de GES. Ceci confirme que les successions de cultures dans la rotation ont été bien choisies pour éviter les pertes d’azote. En ce qui concerne la réduction de l’IFT, nous avons encore des mises au point à faire, avec des matériels adaptés au désherbage mécanique sur plusieurs cultures. La plateforme a aussi pour objectif de diminuer le nombre d’interventions en travail du sol et d’appliquer le glyphosate seulement en dernier recours. Il a été possible de conduire le système innovant sans glyphosate depuis 3 campagnes, excepté au printemps 2019 où une application a été nécessaire en sortie d’hiver, et justement avant betterave. Pour les autres cultures, les faux semis et les interventions mécaniques ont permis de s’en passer, même si l’exercice reste délicat en système conduit en travail superficiel».