Comment s’est passé votre premier conseil de surveillance du 22 janvier ?

Il s’est très bien passé. Les échanges ont été très techniques. Il y a eu bien sûr différents points de vue, chacun a exprimé sa vision, ses besoins et la façon de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes. Je vous rappelle que ce conseil de surveillance est composé de 34 membres représentants des organisations professionnelles agricoles (betterave, apiculture…), des associations de protection de l’environnement, de huit parlementaires (députés et sénateurs) et des représentants de différentes administrations (ministères chargés de l’environnement, de l’agriculture, de la santé), le P.-D.G. de l’Inrae, de l’Anses… Tous les acteurs sont là.

Qu’avez-vous décidé ?

Le conseil de surveillance a donné un avis favorable sur le projet d’arrêté autorisant provisoirement l’emploi de semences de betterave sucrière traitées à l’imidaclopride et au thiaméthoxame. Lors de la réunion, le débat s’est engagé sur la possibilité d’adapter les successions culturales envisagées par le projet d’arrêté, de sorte que l’implantation de certaines cultures puisse être anticipée. Les 22 membres ont validé le fait que les ministres puissent prendre en compte les documents scientifiques fournis par la filière betterave concernant le sujet de l’assolement, à la condition que des mesures d’atténuation supplémentaires soient mises en œuvre. Le conseil de surveillance a donc considéré à 22 voix “pour“, 7 “contre“ et une abstention, que les mesures proposées par les filières agricoles sont pertinentes et justifiées par des résultats scientifiques.

La profession agricole souhaite pouvoir semer du colza en N+2 et du maïs en N+1. Elle vous a donc convaincu ?

Oui, elle a apporté de nouveaux éléments au rapport de l’Anses de décembre dernier, qui est par ailleurs un très bon document. La profession agricole a par exemple proposé de mettre en place des bandes de 8 mètres, sur lesquelles il n’y aura pas de semences traitées aux néonicotinoïde, avant de semer du maïs. Ces éléments ont été analysés par les différents ministères qui ont émis un avis favorable, y compris celui de l’environnement… Le conseil de surveillance demande aujourd’hui aux ministres d’adapter l’arrêté de dérogation pour une meilleure gestion de l’assolement.

Quelles sont les étapes avant la publication de l’arrêté de dérogation ?

C’est maintenant aux ministres de prendre la décision. Ils peuvent s’appuyer sur le travail du conseil de surveillance pour modifier l’arrêté afin d’avoir un assolement en adéquation avec les pratiques des agriculteurs. Vu que l’administration et les scientifiques ont voté “pour“, je peux donc conseiller aux ministres d’intégrer les mesures d’atténuation additionnelles. L’arrêté devrait être signé en début de semaine prochaine (NDRL: le 1er février).

Avez-vous le sentiment que les différents membres veulent travailler ensemble ?

Oui, je sens une envie de travailler et d’avancer ensemble. J’ai dit à la filière betterave : les associations de protection de l’environnement ont peut-être raison. Leurs idées doivent être testées. Si cela fonctionne, prenons-les en compte, sinon expliquons au grand public pourquoi cela ne fonctionne pas. J’ai donc demandé à la filière de tester ces idées sur des fermes pilotes réparties sur toute la zone betteravière. La filière s’est engagée pour qu’il y ait dès cette année 500 ha et 1 000 ha au bout de trois ans. On consacre à ces essais une surface équivalente à ce qui se fait en bio !

Irez-vous vérifier le travail sur le terrain ?

Tout à fait. Une réunion sur deux se tiendra les bottes dans la terre, comme en juin prochain. Mon rôle est de maintenir la pression sur la filière betterave, sur les associations et sur l’administration. L’administration doit contrôler, les associations proposer et la filière mettre en application nos demandes. Nous ferons des points réguliers sur le Plan national de recherche et innovation (PNRI) avec des dates engageantes. Nous vérifierons que l’État finance bien les 7 M€, qui ne sont pas encore décaissés. Si la filière n’avance pas, il n’y aura tout simplement pas de dérogation l’année prochaine. Mais vu les moyens qui sont mis en place, j’ai confiance.

Ce conseil de surveillance est inédit. Est-ce une méthode qui peut être prise en exemple pour gérer d’autres dossiers ?

C’est une première. On se met ensemble et on se voit tout le temps. Les membres ne passent pas juste une audition, où l’on adopte souvent des postures. Au conseil de surveillance, on n’est pas là pour dire que nous ne sommes pas d’accord. On est là pour travailler. Typiquement, c’est comme cela que nous aurions dû faire pour le dossier glyphosate.