Le contexte économique agricole et français n’a pas été à la fête en 2020. Pourtant, dans ce paysage marqué par les conséquences de la Covid-19, le bioéthanol, essentiellement fabriqué à partir de betteraves et de céréales, a confirmé son excellente santé. Le réseau de distribution de Superéthanol-E85 (un carburant qui contient jusqu’à 85 % de bioéthanol) atteint désormais 2 305 stations (565 de plus en un an), soit un bond de 32 % par rapport à 2019. Une station sur 4 en France est aujourd’hui équipée d’une pompe E85, selon la Collective du bioéthanol. Les régions Occitanie (26 %), Hauts-de-France (22 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (21 %) comptent le plus fort taux d’équipement en stations E85. Total et Intermarché représentent à eux deux 50 % des stations. Dans le même temps, les volumes de Superéthanol achetés par les automobilistes ont augmenté de 4 % sur 12 mois, à 351 821 m3. « C’est une situation unique car tous les autres carburants ont marqué un net repli en 2020, à cause de la réduction des déplacements des Français », a souligné le 26 janvier Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). La consommation d’essence a, elle, baissé de 13,7 % en 2020 et celle du gazole de 15,4 %.

De son côté, le SP95-E10, qui contient jusqu’à 10 % de bioéthanol, a confirmé sa première place des essences vendues en 2020. Avec 6 800 stations en décembre 2020 (contre 6 446 en décembre 2019), il a atteint une part de marché record de 48,5 % en 2020 (contre 47,6 % en 2019), avec un record de 50,6 % en décembre. La part de marché de l’E85 s’est élevée de son côté à 3,6 %. Désormais, 99 % du parc automobile français est compatible avec le SP95-E10, contre 65 % il y a dix ans.

Des carburants moins chers

Le succès de l’E85 et du SP95-E10 en 2020 s’explique par plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux : leur coût. Le Superéthanol-E85 est le carburant le moins cher du marché (lire l’encadré). Le SP95-E10 affiche également un argument économique, car plus avantageux que le SP95. Il est en moyenne 3,7 cts €/l moins cher que le SP95 dans une même station-service. Si l’on considère la surconsommation de 1 % qu’il entraîne sur les moteurs, le gain est de 2,3 cts €/l par rapport au SP95-E10, selon le SNPAA. Ces deux carburants sont aussi plus écologiques. L’E85 affiche une réduction de 50 % d’émissions nettes de CO2 (base ePure 2019), si l’on mesure son cycle de vie du champ à la roue, et une diminution de 90 % des émissions de particules (étude Czerwinski de 2017) par rapport à l’essence fossile.

Une autre raison de l’engouement des Français pour le bioéthanol est l’augmentation des choix de rouler avec un véhicule pouvant utiliser de l’E85. Après trois véhicules flexfuel proposés par Jaguar et Land Rover en 2020, Ford va proposer, en 2021, une large gamme de véhicules (lire l’encadré) acceptant d’origine le Superéthanol. Parallèlement, les possibilités de convertir les moteurs essence existant avec des boîtiers se démocratisent. Actuellement, quinze modèles de boîtiers E85 ont été homologués par l’État. Ils sont proposés par cinq fabricants (détails sur www.infoe85.fr) : Biomotors, FlexFuel Energy Development, ARM Engineering, Borel et, plus récemment, eFlexFuel. Malgré les conséquences du coronavirus qui ont réduit quelque peu la demande, plus de 15 000 boîtiers homologués ont été installés en France en 2020. En 2021, un nouvel arrêté, en cours de finalisation, devrait permettre d’élargir le champ de ces installations. « Nous attendons une homologation des boîtiers pour les véhicules de 15 CV et plus et ceux équipés de filtres à particules. Cela augmentera l’éligibilité à 9 véhicules essence sur 10 », détaille Nicolas Kursuglou, responsable carburants du SNPAA. Une fois le boîtier installé, le véhicule peut rouler indifféremment au SP95, SP98, SP95-E10 ou au Superéthanol-E85, dans n’importe quelle proportion, rappelle la Collective du bioéthanol. Le coût moyen d’un boîtier E85 est de 1000 euros TTC (installation comprise). Certaines collectivités territoriales subventionnent l’installation de boîtiers. C’est le cas de la région Hauts-de-France avec une aide à la conversion à hauteur de 300 € et de Provence-Alpes-Côte d’Azur avec une aide de 250 €. Le département de la Somme propose également une subvention cumulable avec les aides de la région Hauts-de-France.

Évolution attendue de la réglementation

Après cet excellent cru 2020, le bioéthanol devrait voir son succès se confirmer, bénéficiant d’une fiscalité et d’une réglementation favorable dans le cadre des politiques française et européenne de transition énergétique. « La Commission européenne a fait de la transition écologique une de ses priorités. Un des objectifs du Pacte Vert est la neutralité carbone à horizon 2050, et une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, par rapport à 1990. Cela aura de lourdes conséquences sur les transports », explique Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques et environnement de la CGB.

Des propositions devraient être annoncées dans les prochains mois par la Commission. « Un durcissement des normes d’émissions des véhicules, de nouveaux principes de taxation des énergies fossiles et une révision de la directive énergies renouvelables Red II de 2018 sont attendus », ajoute-t-il, souhaitant que cela bénéficie aux biocarburants. L’objectif de 14 % d’énergies renouvelables dans les transports à l’horizon 2030 de la directive devrait être amplifié. Également en discussion, les normes européennes de calcul des émissions des véhicules. « La mesure du CO2 est obsolète car elle ne se base que sur la sortie du pot d’échappement. Nous souhaitons que l’ensemble du cycle de vie soit pris en compte tant pour l’énergie que pour le véhicule », insiste Nicolas Rialland.

Au niveau français, l’incorporation de biocarburants dans les essences (en énergie) continue à progresser. De 8,2 % en 2020, elle va augmenter à 8,6 % pour 2021, puis à 9,2 % pour 2022. La part spécifique pour l’éthanol issu de résidus sucriers et amidonniers est fixée respectivement à 0,4 %, 0,8 % et 1 %, au-delà du plafond de 7 % concernant les biocarburants de première génération. Sur le plan fiscal, aucune hausse de la La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE) ne semble à craindre en 2021. L’E85 et le SP95-E10 devraient continuer à bénéficier d’une fiscalité réduite.

Les perspectives de croissance des ventes du bioéthanol semblent donc au beau fixe. Son intérêt devrait augmenter encore auprès des automobilistes dans les prochains mois à mesure de la remontée actuelle des prix des carburants classiques.

Quels avantages à rouler à l’E85 ?

Rouler au Superéthanol est source d’économie pour l’automobiliste. D’abord, sur le prix à la pompe : 0,66 €/l en moyenne contre 1,40 €/l pour le SP95-E10. Malgré une surconsommation du moteur de 25 %, selon l’étude Ifpen de 2008, l’utilisation de l’E85 permet d’économiser 500 euros pour 13 000 kilomètres parcourus. Les particuliers bénéficient aussi de la gratuité de la part régionale du certificat d’immatriculation (ex-carte grise) dans toutes les régions métropolitaines (sauf en Centre-Val-de-Loire et en Bretagne où elle est à moitié prix). Une aide financière à l’installation est également accordée par deux régions (Hauts-de-France et PACA) et par plusieurs communes. Un abattement de 40 % sur les émissions de CO2 est également pris en compte pour le calcul du malus des véhicules flexfuel d’origine et pour la prime à la conversion. Pour les entreprises, une exonération de la taxe sur les véhicules de société (TVS) pendant 12 trimestres est proposée pour les véhicules hybrides combinant électricité et E85 émettant moins de 100 g de CO2/km.

Ford passe la cinquième sur l’E85

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Après le succès de son SUV Kuga FlexiFuel E85 en 2019 (5 919 exemplaires immatriculés en 2019, soit 65 % des ventes du Kuga), le constructeur Ford lance cette année une gamme de cinq nouveaux véhicules flexfuel pouvant rouler d’origine à l’E85 : la citadine Fiesta, disponible pour les particuliers et en van pour les entreprises, le Puma, la Focus en version hydride Flexifuel, le nouveau Kuga en version hydride Flexifuel et l’utilitaire Transit Connect. « Nous confirmons notre engagement en faveur du carburant E85 en proposant ce printemps une très large gamme de véhicules et de motorisations thermiques et hybrides compatibles, nous permettant de couvrir 85 % de notre clientèle », s’est félicité Louis-Carl Vignon, Président de Ford France. Les premières livraisons auront lieu à la fin de l’été. Ford espère vendre au moins 20 000 véhicules flexfuel en France en 2021. De son côté, le groupe Jaguar Land Rover (JLR) a également investi dans la catégorie depuis le 2e semestre 2020, avec le Discovery Sport hybride flexfuel, le Range Rover Evoque hybride flexfuel et le Jaguar E-Pace hybride flexfuel.